Netflix, chouchou des Québécois

Les Québécois tendent à délaisser la programmation de la télévision d’ici pour des abonnements en ligne à des géants internationaux tels que Netflix et Disney+. L’ouverture de divers marchés accable concrètement les télé généralistes du Québec et entraîne une importante chute de revenus. 

Par Mélia Jacques | Arts, lettres et communication

Les Québécois écoutent moins la télévision d’ici, c’est un fait. Ils débranchent leurs câbles et consacrent l’entièreté de leur attention aux plateformes de diffusion en ligne:  les abonnements aux généralistes privées du Québec ont chuté de 12 % en 4 ans. 

Des chaînes de télévision non thématiques, comme ICI Radio-Canada ou TVA, ont connu un effondrement de revenus publicitaires. Le Conseil de la radiodiffusion et télécommunication canadienne (CRTC) s’est penché sur les revenus publicitaires de la télévision privée au Québec dans son rapport Industrie de la télédiffusion. Il enregistrait, en 2006, 412  M$ en revenus, un nombre qui a chuté à 274  M$ en 2019. Cette baisse notable est survenue au moment de l’explosion de la popularité des visionnements en ligne. 

REDEVANCES NON COLLECTÉES

Les plateformes de diffusion en ligne ne contribuent que minimalement à la culture d’ici. Certaines, pas du tout. Netflix est de ceux qui ont été exemptés de la taxe sur les services numériques assignés par le gouvernement fédéral. Le dernier budget du cabinet du premier ministre du Canada vise les organisations qui utilisent la publicité numérique et les données relatives aux utilisateurs. Les géants du multinational tels que Google et Amazon sont la cible de la restriction monétaire. 

L’entreprise californienne Netflix glisse donc entre les mailles du filet dû à sa description d’activité. Il s’agit d’énormes sommes que le gouvernement fédéral ne perçoit ni ne réinvestit dans la culture d’ici. 

«Lorsqu’on est abonné à un câblo distributeur, ce dernier fait de l’argent, dit l’expert du Centre d’études des médias Sébastien Carlton. L’équivalent de 5 % de ces revenus est réinjecté dans le fonds des médias canadiens afin de financer les productions d’ici. Netflix n’est pas concerné par cette réglementation.»

ASSOMBRISSEMENT DE LA CULTURE

La télévision est, depuis longtemps, le vecteur principal de culture populaire. Elle programme encore de grands rendez-vous avec ces téléspectateurs. District 31 et Tout le monde en parle rejoignait, lors de leurs dernières saisons, près de 1,5 million de Québécois. Le rayonnement est néanmoins en chute libre. Les géants de diffusion numérique pèsent sur la culture d’ici en imposant leurs propres règles. 

Autrice du livre Une histoire de la télévision au Québec, Sophie Imbeault partage, dans son ouvrage, que l’arrivée des grands producteurs internationaux a changé le visage de la télévision. Les producteurs d’ici n’ont plus le même financement, «c’est [donc] difficile de compétitionner avec Netflix, lorsqu’on pense au budget incroyable avec lequel il produit ses séries».

La culture québécoise francophone est marginalisée en raison des options qui ne cessent de surgir de partout. Le danger, avec ces alléchantes offres de services, est d’américaniser le Québec à moyen long terme. Journaliste à La Presse, Marc Cassivi en est bien conscient. «Ce n’est pas tout le monde qui voit le danger, nous sommes facilement endormis par ce contenu américain.» Il ajoute que «souvent, la série n’est pas nécessairement de qualité, mais étant donné qu’elle est suggérée par la plateforme, on l’écoute». 

INACTION COLLECTIVE 

Lesdites plateformes américaines tendent, d’un autre côté, à augmenter le pourcentage de nouveaux contenus québécois. Les consommateurs voient aussi apparaître des films acclamés par la critique tels que De père en flic et Bon cop Bad cop sur leurs plateformes de diffusion internationale.

Encourager la télévision locale semble, pour plusieurs, un excellent départ. Téléspectatrice du poste 9, Valérie Girard pense «qu’il est primordial de conserver ce lien privilégié qu’elle porte avec son téléviseur». La télévision doit garder sa stature pour la survie de la culture. 

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