Doubleur, un travail d’équilibriste

Tristan Harvey est un comédien de doublage québécois de 43 ans. Il prête sa voix à de multiples personnages et pour de nombreuses publicités.

Par Marie-Jeanne Tremblay

Comment décrirais-tu ton métier à une personne qui n’a aucune connaissance sur le sujet ?

Être doubleur, c’est comme si j’avais déjà une partition déjà établie et il faut que je l’interprète de façon la plus juste possible pour réussir à convaincre, pour que les gens oublient que le film n’est pas en anglais. C’est un travail d’équilibriste. Si on joue trop gros, si on parle trop fort, alors que la scène est intime, et bien les gens vont dire ça ne marche pas, que ça ne colle pas à l’image.

Tristan Harvey. Photo: courtoisie.

Quel a été ton plus gros défi en carrière ?

Mon plus gros défi en carrière a été quand j’ai auditionné pour Leonardo Dicaprio, dans le film Le loup de Wall Streets. Premièrement, parce que je trouvais que le casting ne m’allait pas. Au départ, quand on m’a demandé d’auditionner, je trouvais que ma voix était trop grave. Mais je l’ai pris comme un défi. Je me suis donné à fond. J’ai changé un peu mon ton de voix, mon énergie, puis j’ai été choisi. Puis ça a été un film qui m’a pris environ 13-14 jours de doublage, ce qui est le double de la norme, avec des dialogues impossibles. C’est un film complètement fou avec des scènes interminables d’engueulades, de motivation de troupe ou de prises de drogue. Je suis sorti de là complètement épuisé, mais satisfait. Ça a été pour moi, une des meilleures expériences de ma vie et celle dont je suis le plus fier.

Comment te prépares-tu à doubler ?

On ne peut pas se préparer, dans le sens qu’on n’a pas le texte. On ne peut pas toujours voir le film avant. C’est en voyant le texte le jour de mon arrivée en studio que je comprends ce que je fais. Il n’y a pas de préparation, ne serait-ce que d’être prêt, disponible, de faire des exercices d’articulations.

Quelles compétences faut-il avoir pour être un bon doubleur ?

Les compétences qu’il faut avoir pour être un bon doubleur ? Ça, c’est la question qu’on me pose tout le temps. Ça prend une formation de comédien ou on peut être autodidacte. Par exemple Marc Labrèche est autodidacte. Il n’a pas fait les grandes écoles de théâtre. Il a un talent inné. Il a roulé sa bosse, un peu comme moi… Donc la principale qualité, c’est la lecture à vue. Il faut aussi avoir une bonne diction et maîtriser l’accent français international.

Comment as-tu taillé ta place dans l’industrie ?

J’ai fait beaucoup d’ambiance comme on appelle. Les ambiances, c’est cinq ou six comédiens autour du micro, qui font de l’improvisation. Des clients dans un restaurant, par exemple. Il faut faire beaucoup d’ambiances avant d’avoir accès à des rôles secondaires et des rôles importants après. C’est pratiquement des auditions, parce qu’on va au micro et nos collègues et es directeurs de plateau nous regardent à l’arrière. Donc il faut réussir et impressionner.

Quel personnage préfères-tu doubler ?

Le personnage que je préfère doubler, c’est Seth Rogen. Il y a une connexion parfois avec des acteurs, où on trouve que vocalement, physiquement, notre énergie fonctionne tellement qu’on connaît les comédiens par cœur. Donc quand je me lance dans un projet avec lui, j’ai l’impression de vraiment être au maximum de ce que je suis capable de donner parce qu’il y a une symbiose qui se crée automatiquement avec l’acteur.  C’est une relation particulière que j’ai avec lui.

Que dirais-tu à ceux et celles qui voudraient devenir doubleurs ?

À ceux qui veulent devenir doubleurs, je leur dirais de diversifier leurs acquis. On peut faire de la surimpression vocale. Ce sont  les émissions que vous écoutez à la télévision de cuisine ou de rénovations, où on entend l’anglais en arrière-plan et où on parle par-dessus. Ce n’est pas tout à fait synchrone. On peut aussi faire de la télé ou de la publicité. Moi, je fais beaucoup de voix pour la publicité, ce qui me donne un bon coussin financier.

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