Rencontre avec Marie-Andrée Gill : une poésie qui réchauffe les cœurs

Le 2 novembre, des étudiants du programme Lire et partir au Domaine Notcimik ont eu la chance de faire la rencontre de Marie-André Gill, une jeune poétesse récipiendaire du prix Voix autochtones 2020 et du Prix Émile-Nelligan 2020. Rapidement, l’autrice, accessible et vraie, a su réchauffer l’ambiance d’une rencontre virtuelle d’un lundi matin.

Par Mélinda Germain

Marie-André Gill s’est livrée avec une immense générosité à une ronde de questions préparées spécialement pour l’occasion par les étudiants en littérature 103. Poétesse innue, mais aussi femme, mère et écrivaine, elle nous a rappelé que ce n’est pas parce qu’elle est autochtone qu’elle doit être contrainte à cette identité et, même si elle est fière de ses origines, elle ne prétend pas parler pour tous les Innus.

Tsé quand on creuse un tunnel à deux dans la

Neige chacun de son bord, le moment où les pelles

Se touchent, où l’ouverture se fait et où les parois

S’agrandissent : c’est nous, ça, je le sais.

– Marie-Andrée Gill, Chauffer le dehors (La Peuplade, mai 2020)

Elle nous a aussi parlé de son expérience comme animatrice du balado Laissez-nous raconter : l’histoire crochie, dans lequel on fait tomber les stéréotypes et fausses croyances envers les communautés autochtones. Dans ce balado, on tente de décoloniser l’histoire, un mot à la fois : des autochtones partout au Québec revisitent ainsi des mots comme « découverte », « Pocahontas », « réserve » ou « réconciliation ». Marie-Andrée Gill nous a aussi lu une lettre poétique qu’elle a écrite en la mémoire de Joyce Echaquan afin de dénoncer le racisme systématique. En voici un court extrait : 

J’essaie d’être fine, assez fine

Pour fleurir au lieu de mourir par en dedans

Même si je voulais déplier le futur

Ou crier comme une perdue, ce serait pas assez

Qu’on le veuille ou non ça grimpe tout seul

Ça fait des châteaux de colère

Ça fait des mots cassés sur ma viande

Photo : Sophie Gagnon-Bergeron.

Cette rencontre avec Marie-André Gill nous a surtout permis de nous replonger dans Chauffer le dehors, le recueil de poésie que nous avions lu. Elle a offert une lecture à voix haute de ce recueil qui nous emmène dans un univers rempli de tons et de couleurs. On y retrouve une prise de parole d’une vérité criante, si bien imagée, des mots dans leur plus pure existence, libres, intenses et forts. Marie-Andrée Gill y illustre des émotions complexes qu’on connaît, mais qu’on peine nous-mêmes à définir. Avec ses explications métaphoriques empreintes d’humour et ses nombreuses analogies liées au quotidien – le macaroni au fromage et de la zamboni de l’aréna, par exemple – la jeune poétesse nous offre un univers dans lequel la froideur des maux est enveloppée par la force des mots.

Chauffer le dehors, c’est la rupture amoureuse, l’incompréhension qui s’ensuit, les souvenirs d’un amour perdu, la douleur intérieure la plus intime, et enfin, la reconstruction et l’espoir. Chauffer le dehors, c’est « le futur qui hausse les épaules », c’est « les miracles qui reviennent quand on en réapprend les paroles », et c’est aussi « le sacré d’un lever de soleil, la musique de nos animaux rescapés et la douleur de ce qui brille ». 

Enfin, Marie-Andrée Gill nous a donné quelques conseils de création littéraire : elle nous a invités à être attentifs aux détails du quotidien, à nous affranchir des limites et contraintes de notre imagination, à nous libérer des codes préétablis de la société, à demeurer à l’écoute de la nature, de notre environnement, mais aussi de la nature humaine.

Marie-André Gill est une poétesse inspirante et Chauffer le dehors est une œuvre qui est à l’image de sa créatrice : vraie, authentique et ancrée dans la réalité de notre époque. Par sa poésie libre et lumineuse, elle nous inspire à sortir de notre zone de confort, à partir à l’aventure et aller explorer à la fois l’intérieur et l’extérieur de nous-mêmes. Or, peut-être que finalement, il ne nous reste qu’à « laisser le temps accorder ses guitares comme du monde » pendant que nous, on va « chauffer le dehors ».

Des étudiants du cours Lire et Partir au Domaine Notcimik ont écrit des poèmes inspirés de cette rencontre. Pour les lire, c’est ICI.

Pour lire le compte-rendu de la rencontre avec Madeleine Basile, c’est ICI.

Le groupe et son enseignante de littérature, Sophie Courvoisier-Skulska, remercient (tshinashkumitin en innu, mikwetc en atikamekw) la Fondation du Cégep à Terrebonne, l’association étudiante (AGECRLT) et l’UNEQ pour le financement des rencontres avec Marie-Andrée Gill et Madeleine Basile.

Pour plus d’information au sujet du cours Lire et partir au Domaine Notcimik (automne 2021), contacter Sophie Courvoisier-Skulska.

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