Les sociétés de gestion des droits de reproduction d’œuvres ont perdu des millions de dollars depuis la modification en 2012 de la Loi sur le droit d’auteur sous le gouvernement de Stephen Harper. Ô Courant explore les conséquences sur les différents acteurs.
Par Mégane Garceau | Arts, lettres et communication
«La notion équitable a été intégrée dans la Loi, mais c’est l’interprétation qui est faite du mot qui pose problème», s’insurge le directeur général de l’Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ), Laurent Dubois. L’absence de définition du terme «éducation» dans l’article modifié, en 2012, sur les exceptions pour une «utilisation équitable» est problématique. Cette imprécision permet à toutes organisations scolaires de reproduire des œuvres au détriment des auteurs. Ainsi, ils ne reçoivent pas les redevances prévues pour la reproduction de leurs œuvres.

«Notre demande est que la notion équitable soit clairement définie ou supprimée», affirme Laurent Dubois. L’UNEQ revendique que chaque auteur soit payé de manière juste conséquemment aux nombres de copies et au nombre de clients qui en bénéficient.
Selon un rapport publié en 2017 par l’UNEQ, 27 % de leurs membres ont subi une perte de revenus provenant de Copibec et d’Access Copyright depuis 2014. En mars 2012, avant le changement de la Loi, Copibec, société québécoise de gestion collective des droits de reproduction, avait perçu 11 millions de dollars par ses licences. La somme a chuté à 9,2 millions, en 2016. Une baisse de 16 %.
LE REVERS DE LA MÉDAILLE
Pour les auteurs, la situation est scandaleuse. Pour les établissements d’enseignement, ce changement de la Loi est bénéfique. «Maintenant, la Loi permet d’utiliser un film dans un contexte éducatif sans avoir à payer davantage de frais, explique la bibliothécaire du Cégep à Terrebonne, Dominique Boily. Avant, c’était trop restrictif et compliqué.»
Au Québec, les établissements de l’éducation comme le Cégep à Terrebonne payent des licences à la société québécoise de gestion collective des droits de reproduction. «Ça permet aux enseignants de déclarer et de reproduire jusqu’à 10 % d’un manuel scolaire sans avoir à payer des frais supplémentaires, explique Dominique Boily. Ils peuvent aussi reproduire jusqu’à 15 % d’œuvres diverses qui font partie du répertoire de Copibec.» L’argent des licences est directement remis à Copibec. L’entreprise sans but lucratif redistribue ensuite la somme totale aux auteurs.
QUÉBEC, PROVINCE EXEMPLAIRE
Au Canada, la situation est dramatique, selon Copibec, «les universités, les collèges et les ministères de l’Éducation hors Québec ont remplacé les licences de gestion collective par des politiques de reproduction dans lesquelles ils s’autorisent unilatéralement à reproduire des œuvres, de manière institutionnalisée et systématique, sans paiement de redevances aux titulaires de droits».
«Au Québec, tous les établissements de l’enseignement continuent de payer des redevances, explique Laurent Dubois. Même si le travail de redevance est négocié à la baisse chaque année, il continue à y avoir un paiement. Ce n’est pas le cas ailleurs au Canada.»
Cette continuité de paiement assure un revenu aux auteurs québécois. En novembre 2018, plus de 2202 auteurs au Québec participant aux licences de gestion collective avec les établissements de l’enseignement ont reçu des chèques variant de 100 $ à 35 000 $ de Copibec.

Pour l’auteur du roman La chair de Clémentine, Vincent Brault, le changement de la Loi sur le droit d’auteur n’a pas diminué son revenu. «J’ai l’impression que cela ne m’a pas touché directement, déclare-t-il. Comme je suis inscrit à Copibec et qu’il y a un fond général, je reçois de l’argent et cela même si mon livre n’a pas été imprimé.»