Dure crise du logement dans les Moulins

À moins de quatre mois du 1er juillet et en pleine pandémie de COVID-19, beaucoup de Moulinois peinent à trouver un logement. Les besoins sont criants, mais les solutions difficiles à exécuter. 

Par Kevin Philibert 

La situation actuelle du logement dans la MRC Les Moulins (Mascouche-Terrebonne) est peu reluisante pour les locataires. Le loyer moyen a augmenté de 15% en un an alors que le taux d’inoccupation est à seulement 0,6%, selon Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU.

À moins de quatre mois du 1er juillet et en pleine pandémie de COVID-19, beaucoup de Moulinois peinent à trouver un logement. Les besoins sont criants, mais les solutions difficiles à mettre en place. Photo: Kevin Phillibert.

UN DÉRACINEMENT SOCIAL

À Terrebonne, le taux d’inoccupation est sous le 1%, ce qui amène une forte demande pour les logements encore disponibles. Les propriétaires ont l’embarras du choix et, surtout, le dernier mot. Ils ont même parfois jusqu’à 30 candidats pour le même loyer.

La solution pour certains est de quitter la région et déménager où la crise est moins grande. «On a cherché pendant un mois et demi dans les environs de Mascouche et Terrebonne, mon chum et moi, raconte Laurie Gagnon. On s’est vite rendu compte qu’on n’avait aucune chance. Les logements dans notre budget étaient tellement convoités, qu’on le savait bien que notre situation nous nuirait. On est un jeune couple, moi je suis aux études et c’est notre premier logement. On n’a jamais reçu d’appel, alors on a décidé d’aller s’établir ailleurs.» Le couple a finalement trouvé un logement à Mirabel, à 30 minutes de voiture d’où ils cherchaient. 

Ce type de situation a de graves conséquences. Comme Laurie, les locataires sont forcés de quitter leur communauté, de s’éloigner des services, sinon de changer leurs enfants d’école puisqu’ils ne peuvent se payer le peu de logements disponibles.  

DES FAMILLES PRISES AU PIÈGE

C’est par le mensonge que Jonathan Ouellet a réussi à trouver son logement.  «Après une dizaine de visites, j’ai compris que c’était en prononçant l’âge de ma fille que je me tirais dans le pied, confie-t-il. Pour me repousser, on m’a même répondu à deux reprises que c’était un logement avec beaucoup d’aînés, que c’était un logement calme et que c’était bien comme ça. Après, j’ai simplement arrêté de dire que j’avais une jeune fille et j’ai trouvé assez rapidement.»

Pour Nathalie Morin, c’est l’impasse. «Je cherche depuis deux mois, dit-elle. Je suis une mère monoparentale avec une jeune fille, un chien et un budget de 1000$ par mois. Je peux vous dire qu’avec un aussi grand nombre de locataires, j’ai beaucoup de difficulté à décrocher un bail.»

LE LOGEMENT, UN DROIT  

En signant, en 1976, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Canada et le Québec se sont engagés à respecter, protéger et mettre en œuvre toute une série de droits, dont celui à un «logement suffisant» et que «la jouissance de ce droit ne [devait pas] être soumise à une forme quelconque de discrimination».  

Avec une dizaine de candidats, les propriétaires ont l’embarras du choix pour discriminer. Les femmes sont souvent les premières victimes avec un revenu moyen inférieur de 15% à celui des hommes et subissent donc une double discrimination.

Selon Valérie Gilker Létourneau, porte-parole de l’R des centres des femmes du Québec, la pénurie de logements aggrave les cas de discrimination envers les femmes racisées, en situation de handicap, les mères monoparentales, sans papier, autochtones, etc. Elles sont plus que jamais à risque d’avoir de la difficulté à trouver un logement qu’elles peuvent payer. 

Avec une réalité comme celle-ci, les solutions qui s’offrent aux futurs locataires sont peu reluisantes: maison d’hébergement temporaire, accepter un logement trop petit ou insalubre. 

C’est parfois pire: les «femmes victimes de violence conjugale, de harcèlement ou encore d’agressions sexuels dans leur foyer risquent d’être de plus en plus nombreuses à être prisonnières de leur bourreau, faute de logement abordable disponible», explique Louise Riendeau, porte-parole du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale (RMFVVC). 

NOUVEAUX ARRIVANTS 

Les nouveaux arrivants sont aussi particulièrement à risque de ne pas trouver un logement dans une MRC comme les Moulins. Il y avait 12 385 immigrants en 2016 dans la MRC, dont plusieurs avec un statut de nouvel arrivant. Leur situation financière fragile et aucun historique de paiement les rendent souvent victimes de discrimination par les propriétaires. 

«Ils nous demandent des preuves d’emplois, font une enquête de crédit, demandent un dépôt, témoigne un père de famille nouvellement arrivé à Terrebonne, Idryss Aramis. Avec notre situation, nous sommes désavantagés sur toute la ligne.»

161 ANS 

Les solutions sont simples et clairement revendiquées: plus de logements sociaux et une limitation sur l’inflation alarmante des loyers. 

L’année dernière, c’est 835 logements qui ont été construits dans l’ensemble du Québec. À ce rythme, il faudrait plus de 161 ans pour simplement répondre aux 134 855 ménages ayant des besoins importants de logement. C’est «scandaleux», déplore Céline Magontier, responsable des dossiers touchant la cause des femmes au Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU). 

Les logements sociaux représentent seulement 11% du parc de logements locatifs du Québec ajoute-t-elle. Les listes d’attentes débordent et la demande explose. Les organismes comme le FRAPRU demandaient au gouvernement du Québec de lancer un grand chantier de 50 000 nouveaux logements sociaux dans le budget du 10 mars. Cette demande a été refusée. L’aide financière supplémentaire annoncée permettra seulement de construire des unités de logement annoncées antérieurement, mais qui n’ont pas encore été construites.

À Terrebonne, en 2018, 1645 familles vivaient dans des logements de taille insuffisante. 2275 familles sont locataires de logements nécessitant des réparations majeures, explique François Savoie, directeur général à La HUTTE-Hébergement d’urgence. Selon le maire de Terrebonne, Marc André Plante, la solution est de créer 250 logements sociaux. En 2018, on comptait 287 habitations à loyer modique (HLM) et 142 bénéficiaires du programme de soutien au logement (PSL) à Terrebonne. 

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