Le hockey prend une grande place dans la vie de Eve Gascon. La jeune gardienne de but de 15 ans a vu sa vie être chamboulée en septembre alors qu’elle est devenue la première femme de l’histoire à évoluer à temps plein avec une formation de la Ligue Midget AAA du Québec. Elle est parfaitement consciente du fait qu’elle brise des barrières pour les futures jeunes hockeyeuses.
Par Gabriel Leblanc
Il aura fallu beaucoup de détermination à la jeune Terrebonnienne durant sa première saison Midget AAA avec le Phénix. En plus de devenir la première demoiselle de l’histoire du circuit Lévesque, elle aura été parmi les plus jeunes joueurs du circuit, à l’âge de 15 ans et 4 mois lors du début de la saison.
Malgré l’adversité et la pression, elle aura bien fait lors de sa première campagne avec le Collège Esther-Blondin. Eve Gascon aura en plus reçu une bourse de la Fondation de l’athlète d’excellence du Québec ainsi qu’un poste auprès de l’équipe québécoise de hockey féminin U18 en vue des Jeux du Canada 2019. Elle y sera d’ailleurs la plus jeune joueuse de la formation par près de six mois. Une année de rêve.
FOI ET DÉTERMINATION
Le hockey masculin de niveau élite n’est pas nouveau pour Eve Gascon. Depuis le pré-novice, elle évolue avec ses confrères masculins dans des équipes de haut niveau tels que le pee-wee AAA et le bantam AAA.
Malgré que l’histoire semble bien belle, la jeune a fait preuve de beaucoup de détermination lors de son développement, ignorant plusieurs commentaires du type «Tu ne peux pas jouer dans la LHMAAAQ, parce que tu es une femme». D’ailleurs, ses frères et ses parents l’ont beaucoup aidée à se forger un caractère et à passer par-dessus les préjugés envers les dames dans le hockey masculin.
Gascon se dit chanceuse d’avoir pu mûrir dans une structure comme celle du Phénix, avec des entraîneurs de qualité. «Philippe Paquette m’a beaucoup aidée, il a eu une grande influence sur mon parcours! dit-elle. Sans lui, je n’en serais possiblement pas là.»
ADAPTATION DIFFICILE
Après un début rocambolesque sur la scène médiatique, Eve Gascon a connu des moments difficiles à ses débuts dans l’uniforme du Collège Esther-Blondin, elle qui a subi la défaite lors de ses six premiers matchs. C’est dans des moments comme ceux-là que la jeune de 15 ans se dit chanceuse d’avoir été entourée par de bonnes personnes qui l’ont aidée à garder la tête froide afin d’éviter les distractions hors glace. «L’équipe des communications, les entraîneurs et mes parents m’ont beaucoup aidée dans ça, se rappelle-t-elle. Grâce à leur encadrement, j’ai pu me concentrer sur mon jeu et non sur les distractions extérieures.»
Gascon aura finalement goûté à la victoire pour la première fois dans la LHMAAAQ le 9 novembre 2018 vis-à-vis du Rousseau-Royal de Laval-Montréal par la marque de 6-3. Depuis, elle a offert de belle performance à la troupe de Paulin Bordeleau, réalisant huit prestations avec au moins 30 arrêts sur une possibilité de onze.
DÉTRUIRE LES PRÉJUGÉS ET PERFORMER SOUS LA PRESSION
Ce n’est pas un secret pour personne, les femmes sont victimes de préjugés dans le sport masculin depuis la nuit des temps et l’arrivée des médias sociaux n’a pas aidé leur cause. Gascon affirme avoir eu connaissance de plusieurs messages du type «elle est là juste pour le show» et «elle n’a pas sa place chez les hommes» sur les différentes plateformes.
Malgré cela, elle a fait exemption des commentaires désobligeants et s’en est servi comme motivation. «Je voulais montrer que j’avais ma place dans le circuit Midget AAA et que ce n’est pas seulement pour faire un show! Je voulais faire taire les détracteurs.»
Après coup, il semble clair qu’Eve Gascon a dû performer soir après soir sans arrêt, car elle était sous la sellette chaque fois qu’elle déposait un patin sur la glace. «Le parcours a été plus difficile et j’ai toujours dû faire mes preuves, plus qu’un équivalent masculin. En début de saison, c’était plus difficile pour moi, mais, même lorsque ç’a commencé à bien aller, j’ai tout de même dû continuer à faire mes preuves en travaillant très fort sur et hors glace.»
DES OBJECTIFS ET UN SOUHAIT PRÉCIS
L’avenir à court terme pour la jeune native de Terrebonne semble être dans les universités américaines au sein de la NCAA (National Collegiate Athletic Association), malgré qu’elle ne ferme pas la porte à la LHJMQ. Elle dit vouloir jouer au plus haut niveau qu’elle soit capable, que ce soit avec des hommes ou des femmes.
À long terme, comme la grande majorité des jeunes hockeyeuses, le plus grand rêve de Eve Gascon est de participer aux Jeux olympiques et d’y remporter l’or avec la formation canadienne. Sur le plan collectif, elle est consciente de son rôle de pionnière dans le hockey féminin et désire l’utiliser à bon escient. «Mon plus grand souhait serait que les femmes et les hommes soient égaux et que nous obtenions des salaires semblables aux joueurs masculins! Le hockey féminin doit être reconnu sur un pied d’égalité avec le hockey masculin.
Pratiquement inconnue il y a sept mois, le nom de Eve Gascon a fait bien du chemin depuis et elle est maintenant connue par plusieurs amateurs de hockey à travers le Québec et même l’Ontario. Il y a fort à parier que ce n’est pas la dernière fois qu’on va entendre parler de cette jeune demoiselle qui trace le chemin pour les générations futures de hockeyeuses!
NDLR : Ce texte originalement publié sur le site de la Ligue midget AAA du Québec a été écrit par Gabriel Leblanc, étudiant en Arts, lettres et communication au Cégep à Terrebonne. Nous le republions ici puisqu’il a remporté le trophée Bertrand Raymond du reportage de l’année. Félicitations à Gabriel !