Voici un court récit de la part sombre de l’humain, qui, tout en le faisant souffrir, lui sert de repère. L’histoire d’une bataille que tous mènent en croyant être seuls dans leur camp.
Par Virginie Lessard
Je marche, je marche, je marche, je marche, je marche, je cours, je cours, je cours, je cours, je cours, je TOMBE…
… et j’ouvre les yeux.
Il fait sombre, l’obscurité s’est emparée de toute la lumière et si ce n’était de mon cœur qui bat à tout rompre dans ma poitrine, je douterais de m’être réveillée. Le sommeil serait tellement mieux pourtant. Tellement préférable à cet endroit, je n’en connais pas de pire. Il n’y a pas que l’obscurité, si ce n’était que cela; il y a le froid. Un froid qui vous envahit et prend possession de votre être complet, sans invitation, pour vous envahir de cette sensation de vide permanent…
…et il y a pire, si pire.
Ce sont ses ombres qui vous entourent. Ces spectres de la nuit qui rôdent cherchant la moindre occasion, attendant le moindre signe de faiblesse pour vous arracher les derniers vestiges de rêves pour vous abandonner au cauchemar perpétuel qu’est votre vie désormais. Ils vous laissent dépossédé et seul, tellement seul, mais vous n’êtes jamais seul. Ils sont toujours là, ces gardiens de toute la misère du monde qui se nourrissent de l’espoir et de la joie que leurs visiteurs ont eu le malheur d’apporter avec eux. Je ne suis jamais seule et, pourtant, la solitude est partout en moi, dans mon âme et dans mon cœur. Je la sens, plus forte que jamais, jour après jour, prête à me submerger. Entourée de toute part et si seule, seule dans ma tête où mes pensées sont pires que tout ce qu’ils ne pourront jamais me faire et si seulement ils savaient…
Si seulement ses murs de pierres froids, ternes, érigés tout autour de moi pouvaient se fissurer pour laisser entrer ne serait-ce qu’un filet de lumière. Si seulement, les autres, dans leur solitude et leur souffrance, entourés des mêmes murs de pierres froids et ternes pouvaient arrêter de crier. Des cris qui s’élèvent dans une lamentation infinie qui possède l’esprit et accompagne votre sommeil, lorsqu’il vous est possible de le trouver. Des cris qui vous hanteront encore lorsque vous serez redevenu poussière. Parfois, lorsque les spectres vous visitent, vous mêlez votre voix à celle des autres pour accompagner cette sinistre mélodie. Il s’agit d’un abandon total à cette noirceur en vous.
Cette noirceur qui se trouve en tous ces corps qui crient ensemble. Une noirceur que vous accueillez volontiers. Vous l’avez toujours fait et continuerez à le faire, cela est plus fort que vous. Il s’agit de l’essence qui vous pousse et vous empêche de tomber dans la folie la plus totale ou de devenir vous-même un spectre sans âme. La noirceur vous a toujours accompagné, elle vous a mené dans cet endroit, elle est la cause de toute votre misère, mais vous n’y renoncez pas. Ils peuvent tout prendre, mais lorsque la fin arrivera, cette noirceur sera toujours là pour vous accompagner et vous guider où que vous alliez…
… et vous riez.
Vous riez de ce rire sadique à glacer le sang qui résonne entre les murs de pierres s’emparant de toute la prison. Peu à peu, les rires s’élèvent, remplaçant les cris et c’est pire, si pire… et si seulement ils savaient. Si seulement ils savaient…
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