S’approprier la culture

L’appropriation culturelle dans le domaine artistique est actuellement un phénomène controversé particulièrement sur les réseaux sociaux. Pour certains il s’agit d’une arme pour l’émancipation des minorités. Pour d’autres, c’est plutôt un symbole d’ouverture d’esprit.

Par Sara Popescu (texte) et Ariane Bélanger (vidéo) | Arts, lettres et communication

La société contemporaine a un éveil plus large et une prise de conscience plus générale des polémiques sociales présentes. L’emploi de symboles culturels différents au sein de l’art créé de vives réactions. Les accusations d’appropriation culturelle sont abondantes dans le monde artistique. Le professeur en Faculté de droit à l’Université McGill et directeur du Centre des politiques en propriété intellectuelle, Pierre-Emmanuel Moyse, révèle qu’il y a fréquemment un mauvais usage de ce terme. « Il se peut que l’utilisation d’un symbole culturel soit purement un acte d’appréciation culturelle et non pour but de blesser. » dit-il.

LES GRANDES TENDANCES

L’appropriation culturelle est l’un des méfaits les plus courants de la haute couture. Lors du défilé de mode de Valentino  en 2016, les reproches d’appropriation culturelle ont retenti dans les médias.  La présentation de mode montrait une distribution de filles à prédominance blanche. Seulement huit des 87 habits ont été donnés à des modèles noirs. Les vêtements ont été inspirés par « l’Afrique sauvage et tribale » en utilisant les textiles de Kikuyu, le raphia, les ceintures faites de perles de commerce africaines, l’embellissement et la broderie, les plumes et les franges. Les modèles portaient leurs cheveux tressés (cornrows) et en dreadlocks.
Malgré cette controverse, le but de Valentino n’était pas d’offenser la culture africaine. « Il se peut que l’utilisation d’une coiffe ou d’un habit traditionnel soit faite d’une manière assez naïve sans vouloir véritablement causer de dommage, dit Pierre-Emmanuel Moyse. Il faut réussir à capturer et à interpréter l’intention derrière un tel acte. »
Le symbolisme est un thème important relié à l’appropriation culturelle et à l’appréciation culturelle. C’est avec l’emprunt de symboles culturels que ces notions prennent forme. Une des tendances courantes est le Bindi, un ornement porté sur le front des femmes hindoues. Ce symbole culturel est de plus en plus présent lors des festivals. Au festival de musique Coachella en avril 2018, plusieurs vedettes ont été aperçues arborant ce symbole et certaines ont été accusées de vol culturel. « L’utilisation du Bindi et du Henné tout comme le body art est de l’art. Lorsque les individus l’utilisent, c’est souvent, car ils trouvent cela joli et non pour ridiculiser une certaine ethnie. » dit l’artiste Henné, Shynie. D’après le Journal of the American Academy of Dermatology, 26% de la population masculine et 22% de la population féminine ont des tatouages. Cet art est de l’expressionnisme. Cela est un thème qui explique d’où vient l’appropriation culturelle.
« Plusieurs se font tatouer le symbole Om̐, un symbole universel signifiant la spiritualité et la créativité, dit Shynie, ce n’est pas un geste immoral à mes yeux, considérer cela comme une appropriation culturelle est un signe de fermeture d’esprit. »

L’APPROPRIATION ARTISTIQUE

Depuis le début des temps, les artistes en observent d’autres et ont tendance à les imiter parce qu’ils trouvent ça intéressant. « De nos jours, on considère que l’homme blanc écrase les minorités et il devient victorieux. À ce moment les appropriations culturelles deviennent discutables», dit le professeur d’histoire de l’art, Alain Houle. Les gens ont l’impression que ce n’est pas respectueux, que ça manque de savoir vivre et que ça créer dans certains groupes, des problèmes de plus en plus nombreux. »
En 2017, une galerie de Toronto annule une exposition de peintures d’une artiste blanche en raison de plaintes d’appropriation culturelle. Les œuvres de la peintre Amanda PL sont imprégnées de couleurs vives et de contours audacieux souvent associés à un style d’art indigène. « Les créateurs d’œuvres artistiques fouillent et s’inspirent de mille choses. Il y a souvent des réactions négatives pour des situations à but positif, dit Alain Houle. Souvent, il n’y a pas d’intention de mal faire, mais c’est souvent mal interprété. Tout est subjectif. Il faut être très prudent pour ne pas s’embarquer dans des condamnations et des généralisations abusives. » Toutefois, ces discussions peinent parfois à saisir toutes les complexités de ce concept nuancé. Ces hystéries renforcent les différenciations déjà présentes dans notre société.

Selon le professeur d’histoire de l’art, l’appréciation culturelle n’est pas dans le but de dénigrer ou insulter une certaine ethnie, mais bien pour l’apprécier et la respecter. L’appropriation culturelle peut créer l’effet contraire. L’art est la création de quelque chose sans utiliser la parole, quelque chose qui parle aux gens. L’art est une langue qui lui est propre, chaque personne le voit différemment.
« Je ne vois pas de négativité lorsqu’un artiste utilise des symboles de ma culture, dit le jeune homme d’origine marocaine fanatique d’art, AbdelJalil Ghati, ça prouve leur ouverture d’esprit et l’appréciation des coutumes marocaines. »

L’ÈRE DES INFLUENCEURS

Les messages et les images véhiculées dans les  médias influencent la société. L’obsession envers les célébrités est croissante. Lorsqu’une vedette utilise une certaine coiffe ou un habillement spécifique, ses fans tendent à reproduire cela. La personnalité médiatique, Kim Kardashian, a fait scandal lorsqu’elle a partagé une photo sur Instagram de ses tresses. Celle-ci a justifié son inspiration, l’actrice et mannequin Bo Derek, dont l’apparition dans la comédie, 10,  réalisée par Blake Edwards, a servi à introduire un look existant à un nouveau public.
La référence de Kardashian a attiré l’attention des internautes. Celle-ci ignorait les vraies origines du style, ayant des racines profondes afro-américaines. « Dans le cas de Kim Kardashian on pourrait considérer cela comme un commentaire plutôt naïf, dit la jeune femme d’origine salvadorienne, Daphny Hernandez, lorsque quelqu’un utilise un symbole culturel différent c’est pour manifester son appréciation envers cette culture. »
Les artistes et les influenceurs manifestent souvent leur amour pour la culture à travers leurs musiques ou leur style vestimentaire. Un jeune D.J de Montréal d’origine haïtienne, Vinni Wonka dit qu’un Noir s’appropriant la culture caucasienne peut aussi attirer de la négativité. « Il n’y a rien de mal à appliquer des éléments d’une autre culture pour la rendre plus accessible. Ça nous fait évoluer en tant que société. » dit-il.
La société est mal éduquée à ce sujet. « L’appropriation culturelle met en évidence le déséquilibre de pouvoir qui subsiste entre ceux qui sont au pouvoir et ceux qui ont été historiquement marginalisés, tandis que l’appréciation culturelle est d’avoir un intérêt authentique sur une culture; en apprenant son histoire, les gens et leurs perspectives. » dit la blogueuse, Alicia Drysdale.


La culture à travers la musique


Plusieurs artistes sont accusés d’emprunter une esthétique culturelle différente de la leur. L’appréciation culturelle est un thème récurrent de l’industrie musicale. Il est utilisé lorsqu’il y a l’emploi, avec respect, de symboles culturels d’une autre ethnie. Par contre, l’appropriation culturelle est souvent considérée comme un vol de culture et est employée lorsque des membres d’une culture dominante utilisent des symboles et des éléments d’une culture minoritaire, avec désinformation et en ignorant leurs buts.

Stephan Jean-Baptiste a étudié à l’école de son Musitechnic à Montréal, en technique de production audio. Il est producteur de E.D.M (Electric Dance Music). Il a effectué des prestations à l’after party de l’Ilesoniq et aux événements d’Awake Entertainment. « Le E.D.M est un style de musique qui est fait majoritairement par des individus caucasiens, je dois travailler deux fois plus fort pour faire mes preuves puisque je suis Noir, dit le musicien. Un Noir qui s’approprie la culture blanche peut attirer beaucoup de négativité et de préjugés.»

La rappeuse, blanche et australienne, Iggy Azalea, relance le débat aux États-Unis, autour de l’appropriation culturelle et la définition de l’authenticité dans le Hip-Hop. Certains associent cela à l’appropriation de la musique afro-américaine par une Caucasienne, mais d’autres associent cela à l’originalité et à l’ouverture d’esprit.

Le droit d’auteur

Un des enjeux de cette polémique est le droit d’auteur. S’approprier un son peut être source de poursuite. Il doit y avoir l’autorisation de l’auteur de l’oeuvre originale, sauf si cette dernière relève du domaine public. Selon la SOCAN, une oeuvre devient publique 70 ans après la mort de l’auteur.

Les tendances musicales

L’art naît de l’art. Depuis le début des temps, les artistes s’inspirent de d’autres artistes. Il est tout à fait naturel de partager son talent avec les autres. «Mon but est d’inspirer les Noirs à faire de la musique E.D.M, c’est pour tout le monde, dit Stephan Jean-Baptiste. Je connais beaucoup d’Afro-Américains qui aiment la musique électronique, mais qui ne s’affirment pas par peur d’être traités de caucasiens et je trouve cela dommage. Il n’y a rien de mal à utiliser la culture pour pouvoir la rendre plus accessible.» Avec le phénomène de la globalisation culturelle, en 2018, La percée technologique est une des raisons principales du phénomène de mondialisation. Avec les applications comme Spotify ou Apple Music, une chanson peut faire le tour du monde en quelques secondes et inspirer les créateurs en répandant la culture.

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