Les livres sur nos écrans

Les romans adaptés au cinéma attirent des centaines de personnes dans les salles de cinéma chaque année au Québec. La réception des films varient selon ses spectateurs.

Par François Taillon | Arts, lettres et communication

Vincent Royer est un enseignant en littérature au Cégep régional de Lanaudière à Terrebonne. Il apprend à ses étudiants à distinguer les différentes méthodes de réalisations d’oeuvres littéraires au cinéma. La production est ainsi divisée en trois types d’adaptations. L’adaptation fidèle rapporte exactement le récit romanesque. L’adaptation libre permet au réalisateur de modifier, d’ajouter et d’effacer des séquences. La transposition se veut de changer, par exemple, le scénario pour en créer un nouveau tout en s’inspirant de l’oeuvre. «La plus répandue est le type d’adaptation libre, bien que certaines tentatives cherchent à être fidèles», souligne l’enseignant. Ce type de cinéma a ainsi une grande marge de possibilités dans la réalisation tel le film Barry Landon de Stanley Kubrick réalisé avec des mémoires de Thackeray.

Son enseignement le fait réfléchir sur la question de la fidélité de l’oeuvre. Le résultat de sa réflexion lui permet de constater une certaine déception des spectateurs. Elle est «programmée d’une certaine façon puisque qu’on s’attend à ce que ce soit fidèle.», pense-t-il.

La fidélité influence fortement le public, mais l’enseignant constate aussi l’expansion des films tirés de fiction. Il prend l’exemple des films de la cinématographie Marvel connaissant une popularité croissante au fil des années. Certains spectateurs considère l’univers Marvel comme une production unique au cinéma, mais comme le souligne Vincent Royer, l’univers est avant tout inspiré de la littérature. Le succès des bandes dessinées dans le septième art continue ainsi à accumuler des critiques positives. «Le cinéma va toujours chercher à s’inspirer par la littérature et reste une mutuelle influence», conclut-t-il.

ENTRE FIDÉLITÉ ET LIBERTÉ

Vincent Royer souligne la nécessité d’accorder une certaine liberté à une oeuvre. Il permet au spectateur de s’intéresser à l’oeuvre, même si ce dernier a lu le livre selon lui. «C’est un peu la façon dont on peut penser l’adaptation comme une nouvelle oeuvre.», dit-il.

Charles-Antoine Cloutier est un réalisateur de court-métrages pour le mouvement Kino. Ses connaissances dans le domaine du cinéma l’entraînent dans une réflexion sur si la fidélité est lié avec la perception d’un roman par un écrivain. Il souligne sa réflexion avec l’exemple de l’adaptation de Shining par Stanley Kubrick. Le réalisateur a appris par lui-même la déception de Stephen King sur l’oeuvre de Kubrick. Il précise le mécontement de l’auteur propagé par un non-respect de la personnalité de ses personnages dans son oeuvre. Cette conclusion l’amène à sa théorie sur le questionnement d’un réalisateur voulant réaliser ce genre de film. «La question qu’un réalisateur doit se dire est s’il décide de rester proche du roman où s’il décide de s’éloigner de l’oeuvre», souligne le cinéaste. Les réalisateurs conservent ainsi une liberté dans leur choix d’orientation, même s’ils risquent de décevoir des téléspectateurs selon Charles Antoine Cloutier.

Le cinéaste encourage ses semblables à continuer à développer des films malgré les attentes des spectateurs. Le réalisateur défend son point de vue en soulignant son intérêt d’une union entre la littérature et le cinéma. Il encourage particulièrement les cinéastes à s’investir dans l’art de la lecture avant d’adapter au cinéma. «La littérature, c’est l’essence du développement de l’imagination, dit-il. Un réalisateur doit être un bon lecteur pour réussir à imaginer plus loin que l’oeuvre originale.» La coopération des deux arts est importante selon lui.

DE L’ÉCRIT À l’IMAGE

Passer de l’écrit à l’image une oeuvre littéraire nécessite toujours des changements. Un employé de cinéma ne peut pas exposer tous les faits et gestes d’un roman de 300 pages. Ce dernier doit employer différentes méthodes pour réaliser sa démarche tout en conservant l’idée de base du roman. Il peut utiliser les figures de styles  pour transmettre une idée qui le serait par des mots dans une oeuvre littéraire. L’analyse d’un film va permettre de créer un sens à son propos et orienter le spectateur. «La langue n’est pas accessible à tous, souligne Marta Boni, enseignante en cinéma au Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques à l’Université de Montréal (UDEM). Une image permet donc de s’adresser à toutes sortes de spectateurs». Le traitement de l’image joue un rôle primordial dans la compréhension et dans l’interprétation d’une oeuvre selon elle.

Marta Boni explique aussi l’importance de l’image dans la conception de l’univers et des personnages d’une oeuvre. Elle explique la particularité d’un long-métrage à savoir comment représenter visuellement un personnage ou un lieu à partir des informations traitées dans le roman. Les nombreux outils accessibles à l’équipe de production, par exemple, le montage, est un moyen permettant de «créer des espaces qui n’existe pas dans la vraie vie» explique la spécialiste. Le cinéma permet ainsi de déformer la réalité selon l’enseignante.

Vincent Royer enseigne d’ailleurs à ses étudiants à distinguer les différentes techniques exploitées au cinéma. Son enseignement lui a amené à comprendre, par exemple, l’utilisation de la voix-off permettant d’accélérer et de concentrer l’information dite plutôt que vécue. Il précise aussi l’ajout ou l’enlèvement de personnages utilisés comme «pivot expliquant ce que l’on ne pouvait comprendre», conclut-il.

L’ENJEU DE LA PERCEPTION

Rémi Chiasson-Villeneuve est un écrivain et spécialiste en littérature. Il a une opinion mitigée sur l’adaptation de romans au cinéma. Il affirme la hausse de la popularité d’un écrivain dans d’autres milieux artistiques après un passage dans le septième art. «Cela facilite l’accès à l’oeuvre», affirme-t-il.

Il affirme aussi être en désaccord avec ce genre de projet, car un scénario modifie beaucoup d’éléments essentiels d’un livre. «J’ai connu un seul roman bien adapté au cinéma dans ma vie, dit-il. Les autres films étaient mal adaptés et enlevaient tout le style de l’auteur.»

Les Éditions Première Chance permet à l’écrivain de publier son roman La perle de Charlevoix sous le pseudonyme Helm Wolfe, en 2014, et la question d’une adaptation cinématographique sur son propre roman a capté son intérêt. «Chaque écrivain vit pour voir son oeuvre adaptée au cinéma», souligne-t-il.

Il adopte cependant une opinion majoritairement négative sur le sujet. «J’aurais l’impression de voir mon esprit violé, dit-il. J’ai une façon de voir mon livre que les autres n’ont pas». La perception joue ainsi un rôle primordial dans le succès d’un livre et le cinéma peut détruire celle-ci selon lui.

CINÉPHILE COMBLÉ

Alex Brière est un cinéphile influencé par la littérature. Le visionnage d’un film l’incite régulièrement à s’orienter dans la lecture du roman original. Il réussit à être satisfait de ce genre de films même si ces derniers ne respectent pas fidèlement les livres. Il encourage aussi les réalisateurs à continuer de produire des films adaptés de roman. Il souligne d’ailleurs la réussite de certains long-métrages même s’ils sont différents des oeuvres originaux. «Prenons l’exemple de Ready Player One, dit-il. Le livre est différent, mais Spielberg a pourtant réussi à créer un bon film.» Ready Player One a été classé à la première place au box-office américain quelques jours après sa sortie, en mars, au cinéma, avec 53 millions de dollars en revenus.

La littérature continue à coopérer avec le cinéma en attirant plus de monde chaque année. Leur succès commercial permet de renvoyer le spectateur au livre pour approfondir leur appréciation de l’oeuvre.


Littérature et cinéma: un mélange parfait

Le cinéma québécois réalise de nombreuses adaptations de romans au cinéma qui satisfont pleinement les écrivains. Plusieurs films parmi eux sont considérés comme des classiques du cinéma québécois.

Des films inspirées d’oeuvres de romanciers célèbres tels Sur le Seuil, réalisé par Éric Tessier (5150 rue des Ormes, Junior Majeur, etc.) tiré du livre de Patrick Sénécal et sorti en 2003, au récent film Et au pire, on se mariera réalisé par Léa Pool, tiré du roman de Sophie Bienvenu et sorti en 2016, de nombreux films de ce genre reviennent sur les écrans chaque année.

Plusieurs écrivains sont attirés par le cinéma et voir l’une de leurs œuvres littéraires sur grand écran les inspirent. «Ça fait connaître l’auteur et permet de faire circuler l’oeuvre dans un milieu où il était inconnu au départ.» témoigne Rémi Chiasson Villeneuve, écrivain et spécialiste en littérature. Cette attirance au septième art entraîne certains romanciers à devoir attendre, pendant plusieurs années, pour réussir enfin à voir une adaptation cinématographique dune oeuvre être exposée un jour dans les salles de cinéma.

Les auteurs voient aussi souvent leur popularité et leur lectorat plus élevé après un passage de l’écrit à l’image de leur oeuvre. Un exemple avec le romancier Patrick Sénécal: « Les ventes du livre ont bondi et ceux qui ont aimé le livre se sont mis à lire mes autres romans.» Ainsi, le cinéma amène à la littérature et vice-versa.

Le 7e art a un impact majeur sur certains auteurs, car ceux-ci finissent par être comparé à un cinéaste en raison des nombreuses adaptations qui ont été produites à l’écran. Un deuxième exemple avec Patrick Sénécal soulignant qu’il «croise souvent des gens qui lui disent : « Ah, Senécal ! J’ai vu tes films ! »»

Les films permettent aussi aux réalisateurs de coopérer avec les écrivains, par exemple, dans le scénario du long-métrage même si ce dernier doit être retouché plusieurs fois. Patrick Sénécal, par exemple, a dû refaire plusieurs fois le scénario avec le réalisateur Daniel Groulx pour la réalisation du film Les 7 jours du Talion. «Je me pensais parti pour la gloire, mais après 12 versions du scénario, des scènes tournées sans budget, on comprend que c’est compliqué.» La littérature et le cinéma peuvent ainsi former des relations solides dans les deux domaines.

À lire aussi: Le passage de l’écrit à l’image au cinéma

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