Le cinéma d’auteur est dans une mauvaise posture au Québec. François Primeau, enseignant en cinéma au Cégep André Laurendeau, explique les difficultés relié à la production de cinéma d’auteur. Les films de genre, rapportant le plus d’argent aux instituts du cinéma, sont mis de l’avant.
Par Catherine Blais | Arts, lettres et communication
Comment décririez-vous la situation du cinéma d’auteur du Québec d’aujourd’hui?
«En fait, je ne sais même pas s’il y a du cinéma d’auteur qui se fait. Dès que tu es subventionné par l’État, la Société de développement des entreprises culturelles, Téléfilm ou peu importe l’instance qui financent les films, il va y avoir d’autre monde qui vont te dire comment faire les choses. Pour moi, le cinéma d’auteur, c’est la liberté du regard et une voix qui est original. Il ne prend pas nécessairement en considération le public pour que ça passe à la télévision après. Or, la plupart des films qui sont faits aujourd’hui le sont pour passer à la télévision parce que la vie en salle est moins longue qu’elle ne l’était avant.»
Quels sont les enjeux auxquels fait face le cinéma d’auteur au Québec?
«Le cinéma d’auteur a plein de défis. Du cinéma d’auteur, il y en avait au Québec dans les années 60-70 jusqu’à les années 80. Depuis que la SODEC et les institutions comme celles-là se comportent en banquier, ils donnent des primes à la performance. Ils récompensent les films qui font de l’argent en fait. Je ne suis pas sûr qu’il y a encore des auteurs. Je pense qu’il y a Bernard Émond. On encourage Bernard Émond et Robert Morin aussi. On dit que ce sont eux les auteurs. Et comme par hasard, ce sont des baby-boomers. Je pense qu’au Québec, on est à la croisée des chemins pour savoir si les auteurs vont survivre, s’ils battent leur propre chemin et s’ils ont une voix originale. Ils doivent continuer à réinventer le cinéma avec des visions originales.»
Que remarquez-vous quant à l’intérêt des jeunes pour le cinéma d’auteur?
«Le cinéma va toujours être populaire. Le mythe aujourd’hui que les jeunes sont tous en ligne [sur le web], je ne crois pas beaucoup à ça. Je pense que vous faites plus de choses que les générations précédentes. Vous êtes en ligne, vous regardez la télévision, vous allez au cinéma, vous allez voir des spectacles, etc… Vous avez accès à une culture qui devrait être plus variée. Je pense que les jeunes gravitent autour du cinéma parce qu’ils ont des choses à dire eux aussi et ils ont des histoires à raconter.»
Quelle place devrait prendre le cinéma d’auteurs à l’école ou dans la connaissance culturelle des jeunes?
«Je crois que dès le primaire, il devrait y avoir des cours d’appréciation de l’art pour savoir ce qu’est l’art. Aujourd’hui, on a tout aplati, tout est pareil, tout est bon, tout s’équivaut. Il y a un espèce de relativisme mou, comme disait le philosophe Charles Taylor et moi je ne crois pas à ça. Je crois qu’il y a des choses qui sont de qualité, qui ont de la valeur et il y en a d’autres qui sont juste des affaires commerciales. Il y a une hiérarchie [en cinéma] et il faut connaître cette hiérarchie. Il devrait y avoir des cours d’appréciation de l’art parce que l’art, c’est la culture et la culture, c’est tout ce qu’il reste quand tu as tout perdu.»
Quels impacts le PCCQ a-t-il sur la participation des jeunes dans l’expansion du cinéma d’auteur québécois?
«Je trouve que le PCCQ c’est une très bonne chose. Dans l’ensemble, les jeunes ne sont pas attirés par le cinéma québécois d’après mon expérience. Ils sont beaucoup plus attirés par le cinéma américain. Le PCCQ dans ce sens, c’est bien parce que ça introduit ce cinéma quoique ça s’adresse à des jeunes qui sont déjà attirés. Je pense que le PCCQ devrait être dans toutes les écoles en faite.»
Quel futur estimez-vous pour le cinéma d’auteurs au Québec?
«Si c’est pour continuer dans cette veine-là d’un cinéma assez monolithique où tu as un ou deux auteurs par année qui réussissent à passer des films. La plupart des gens, ce qu’ils vont voir, c’est Bon Cop, Bad Cop 2 et De père en flics. Il y a de moins en moins de cinéma de répertoire. Il y a le cinéma Beaubien, le cinéma du Parc et avant, il y avait le cinéma Ex-Centris qui a fermé. Si l’on fait un diagnostic en 2018, je ne sais pas s’il y a un futur pour le cinéma québécois. Il ressemble de plus en plus au cinéma américain. Il est dans un moule et il ne cherche pas à sortir de la norme. Il doit fitter dans la norme et c’est comme ça qu’il est financé.»