L’amour 2.0

Les téléphones intelligents proposent de nouvelles techniques d’approche par des applications telles que Be My Guest, Tinder, Elite singles et les réseaux sociaux. Les 18-24 ans utilisent massivement ces plateformes. L’amour à l’ère du numérique vient avec un bon nombre d’inconvénients pour certains.

Par Ariane Lévesque (texte) et Frédéricke Buri (vidéo) | Arts, lettres et communication

L’arrivée des médias sociaux et des nombreuses applications offertes amène les jeunes adultes à consommer l’amour sur le Web, une technique à la portée de tous. En 2012, près d’une relation amoureuse sur trois s’est nouée en ligne. La valorisation et l’estime personnelle passent désormais par le biais des réseaux sociaux.

Ils ont fait exploser les possibilités de rencontres amoureuses, mais ne sont pas une technique de rencontre efficace pour l’ancienne utilisatrice, Noémie Legault. «En ce moment je suis avec mon copain et ça va bien, mais j’ai parlé avec une centaine de gars avant de le rencontrer et tu ne sais jamais comment la personne est vraiment, ni si c’est vraiment lui en arrière de l’écran » dit-elle, découragée. Elle raconte que la curiosité encourage à explorer et espérer auprès de plusieurs.

LA VENTE DE SOI

Jessika Denommée travaille comme vice-présidente de marketing pour la compagnie Be My Guest, un site de rencontre en vigueur depuis 2018. Oeuvrant dans le monde des nouvelles technologies, elle se sent concernée par la place que prend l’image de soi sur les réseaux sociaux et les sites de rencontre. «Malheureusement, on vit dans un monde où l’on se fie énormément au physique. Sans le vouloir, il reste le numéro un de ce qui nous attire, car malgré tout on doit avoir un minimum d’attirance physique l’un envers l’autre», raconte l’utilisatrice de 25 ans, déçue de faire ce constat.

Jessika est elle-même inscrite sur l’application à des fins d’évaluation. Elle prend compte de la manière dont les utilisateurs gèrent leur compte et l’image d’eux-mêmes. Elle remarque que les attraits physiques sont un aspect très important pour attirer l’oeil, par des photos d’utilisateurs mettant l’accent sur leur corps plutôt que de mettre de l’avant certains aspects de leur personnalité. «Ce que tu vois en premier, c’est des photos, des poitrines, des beaux yeux ou des exploits après des années au gym, dit-elle les yeux en l’air. Ce n’est pas leur sport favori ni ce qui les attire dans la vie. Aujourd’hui, c’est ce que la plupart des jeunes recherchent, des beaux yeux, une belle silhouette et des gros bras», affirme-t-elle.

Le phénomène de la publicité de soi est perçu sous toutes formes et sur toutes plateformes disponibles pour rencontrer, prenant l’image de soi comme image publicitaire, remarque-t-elle. Les jeunes s’en servent pour soutenir l’intérêt, séduire, susciter le désir ou même pour surprendre. C’est une stratégie publicitaire connue pour attirer un consommateur vers un produit lors d’une annonce. Le fait de pouvoir créer un profil à sa guise vient parfois biaiser la réalité. «La personne qui remplit sa fiche met ce qu’elle veut et ce qui va bien ‘’vendre’’ et ce n’est souvent pas la réalité», affirme le thérapeute de couple, Christian Montmeny. «Souvent, par manque de connaissance de soi, la personne va se présenter d’une certaine manière, comme elle voudrait être, pas nécessairement comme elle est. Il y a trop de personnes ‘’parfaites’’, mais la réalité relationnelle, ce n‘est pas ça», évoque le professionnel des relations de couple.

Les jeunes vivent un stress vis-à-vis leur physique et l’opinion des autres à leur égard, en se basant sur l’enveloppe extérieure qu’ils possèdent. «Sans le vouloir, tu vis une pression, car tu veux plaire et lorsque tu n’as pas ton ‘’match’’ tu te demandes si c’est parce que tu es trop grosse ou pas assez jolie», raconte Noémie Legault, une jeune utilisatrice des sites de rencontre. Les jeunes se remettent en question et cela affecte leur estime de soi, à son avis.

UNE SURABONDANCE DE CHOIX

Christian Montmeny voit beaucoup de relations s’écrouler et d’autres travailler ensemble pour retrouver le bon fonctionnement de leur couple dans le cadre de son travail. L’arrivée des plateformes de rencontre rassemble tous les partenaires potentiels au même endroit, donnant ainsi beaucoup de facilité en diminuant les recherches des consommateurs. «Il y a beaucoup plus de choix, qui fait que les personnes s’engagent moins et prennent moins de risques» dit-il. Il compare cela aux produits disponibles à l’épicerie. Les utilisateurs en choisissent un, mais peuvent le changer si ça ne fait plus.

Pour pouvoir fonctionner avec un catalogue presque infini de partenaires potentiels, tourner la page sans savoir ce que l’on recherche n’est pas une bonne idée selon la psychologue, Andrea Guana. «Si on sait ce que l’on veut, il n’y a pas de problèmes, dit-elle, par expérience. Ce n’est cependant pas dans tous les cas où les gens recherchent la même chose. Ils ont souvent des intentions différentes des nôtres», exprime-t-elle. En se lançant dans l’aventure de la rencontre en ligne, il est essentiel de comprendre que l’utilisateur est un véritable marché de la séduction, en rivalité avec des dizaines de milliers de profils.

Comme la surabondance est offerte sur des plateformes Internet, des milliers d’utilisateurs y divulguent des informations personnelles telles que leur âge, leur lieu de résidence, leur métier, leurs loisirs, etc. «Avec l’ère numérique, les relations interpersonnelles, les relations de couple et la relation avec soi-même sont ébranlées en raison de la surabondance de l’information divulguée. Ce n’est plus un profil que vous exposez, c’est votre vie privée», exprime Marc Parmentier dans le livre dont il est l’auteur, Philosophie des sites de rencontres . Sans même le constater, ces informations, disponibles à tous et à n’importe quel moment permettent aux autres d’obtenir une fine partie de leur vie privée. S’il y a donc des milliers de partenaires potentiels, il y a aussi des milliers de personnes qui ont accès aux candidats inscrits sur le site, croit Andrea Guynna. «À défaut de trouver l’amour, tu t’exposes aussi à des situations qui pourraient être dangereuses», affirme la psychologue, inquiète. Le concept de la vie privée est parfois bafoué en se livrant à un individu disant vouloir connaître davantage la personne l’autre côté de l’écran, dans l’éventualité de forger une relation amoureuse. Le droit à l’intimité de la vie privée fait partie des droits civils, souvent non intentionnellement rompus par les jeunes recherchant l’amour.

LE MANQUE DE PROFONDEUR

La génération d’aujourd’hui ne véhicule plus les mêmes valeurs dans l’entretien d’une relation interpersonnelle. Andrea Guana croit que le changement se remarque chez les jeunes d’aujourd’hui. «Les valeurs culturelles ont changé. On a tendance à être plus individualiste et à penser plus à nous-mêmes avant de penser pour plusieurs», constate-t-elle. Elle croit que le vrai amour est un mythe, que ce sont les individus qui le construisent avec des gens qui ont les mêmes valeurs. «La différence, c’est qu’avant le but était de fonder une famille, éduquer les enfants et monter des projets ensemble. Aujourd’hui, les priorités personnelles prennent le dessus, car les valeurs ont changé», raconte-t-elle.

Elle croit que les réseaux sociaux aident à choisir le genre de relation qu’une personne souhaite entretenir manquant souvent de profondeur. La nouvelle génération veut une personne avec qui passer le temps, non pas quelqu’un avec qui passer sa vie. Se limiter à une seule personne est une contrainte pour certains, préférant butiner d’une chambre à coucher à une autre. Les couples ouverts sont beaucoup plus populaires, les ruptures sont plus courantes, mais le travail en équipe et l’écoute sont de moins en moins fréquents.


L’amour des milléniaux

Laurie Fournier fait partie de la génération des milléniaux, une génération où les jeunes ont grandi avec l’évolution des appareils électroniques et les réseaux sociaux. Son opinion sur le sujet de l’amour à l’ère du numérique rejoint une grande majorité des jeunes d’aujourd’hui.

Comment pourrais-tu expliquer ce qu’est l’amour de nos jours?
«Selon moi, l’amour c’est vraiment quand tu t’attaches à une personne de même sexe ou de sexe opposé et que tu as un lien spécial avec cette personne-là, que tu n’as pas avec les autres. Cela fait que, même sans le vouloir, ça crée une certaine dépendance envers cette personne. Aujourd’hui par contre, on dirait que l’amour c’est vraiment un but à atteindre. Les gens vont mettre des photos sur les réseaux sociaux pour montrer qu’ils sont en amour et qu’ils sont vraiment heureux.»

Pourquoi les gens s’entêtent-ils à utiliser les réseaux sociaux pour rencontrer ?
«Je pense que c’est parce que c’est vraiment plus facile. Tu peux télécharger de nombreuses applications comme Tinder. Tu peux utiliser Facebook, Snapchat ou Instagram. Tu es derrière ton ordinateur ou ta tablette électronique et il n’y a pas vraiment de gêne. En même temps, tu te crées un «personnage» sans le vouloir. Il est plus facile d’être qui on veut être de cette manière-là qu’en vrai. Aussi, on a plus de choix qui fait qu’on est vraiment ‘’difficile’’ que ce soit sur le physique, sur le métier, sur n’importe quoi. Si cette personne-là n’est pas vraiment drôle, on la laisse faire et on passe au prochain. »

Quels aspects d’une relation devraient être améliorés?
«Je pense que l’utilisation des réseaux sociaux a rapport, je crois qu’ils peuvent amener une certaine jalousie. On devient beaucoup plus jalouse en général «mon ‘’chum’’ à ‘’liker’’ ci, mon ‘’chum’’ parle à telle fille», je crois que ce serait à travailler. Aussi, être beaucoup plus privé, avoir une intimité, parce que aujourd’hui on peut tout voir de la relation des gens sur Facebook ou Instagram.»

Comment envisages-tu les relations avec la présence des réseaux sociaux?
«On n’a plus de privé, ça pas de bon sens. Par rapport aux relations, même si les gens voient que tu es en couple sur Facebook, ils vont quand même venir te parler et te «cruiser». C’est juste un manque de respect. C’est dur de savoir ce qui est faux et ce qui est vrai.»

Utilises-tu les réseaux sociaux pour rencontrer?
«Oui, c’est déjà arrivé. Avant que je sorte avec mon copain, j’ai été célibataire deux ou trois ans, mais il y a une année que je voulais essayer ça Tinder. Donc je me suis inscrite. J’ai parlé à quelques personnes, mais c’est juste arrivé une fois où j’ai rencontré quelqu’un en vrai, que je connaissais de visage donc j’étais moins inquiète. Mais, je n’étais pas la seule à ses yeux. Quand tu vois que tu n’es plus vraiment une personne pour lui et que tu es juste une rencontre parmi tant d’autre, tu te sens moins spéciale et c’est plate.»

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