«Quelles sont vos trois valeurs de travail les plus importantes?» C’est alors que chacun lève sa main à tour de rôle pour dire fièrement qu’il s’agit de faire des profits». J’ai alors compris, dans mon cours du mercredi après-midi, que ce n’est pas demain la veille qu’on va s’en sortir.
Par Kevin Philibert | Fondation David Suzuki du CRLT
J’ose espérer que les réponses de mes collègues n’étaient que spontanées et qu’ils n’avaient pas pris le temps de s’attarder sur les trois derniers mots de la question, soit «les plus importantes». Je ne suis absolument pas anticapitaliste, je ne suis pas contre la richesse ni le modèle de l’entreprise. Faire des profits c’est extrêmement important, mais il y a encore plus important.
Voilà ce qui me ramène à la citation de l’écrivain français, Paul-Jean Toulet: «l’argent est une troisième main». L’argent peut être très utile et même nécessaire pour combattre les enjeux sociaux et environnementaux. Cependant, l’argent peut aussi mener à l’extinction d’une centaine d’espèces animales et végétales.
Alors, oui, c’est bien, de dire qu’on veut faire des profits, mais quel sera ton impact sur la société et qu’est-ce que tu feras avec ton argent. De là vient l’importance que l’entrepreneur de demain devrait être minimalement engagé.
UN GRAND POUVOIR IMPLIQUE UNE GRANDE RESPONSABILITÉ
L’entrepreneur est marginal, aventurier, créatif, contestataire, délinquant, mais, surtout, visionnaire et bâtisseur. C’est lui qui bâtit les PME jusqu’aux grandes entreprises. Il contribue grandement à notre écosystème social; c’est souvent lui l’avant-gardiste. Tout ça ensemble fait en sorte que c’est souvent lui qui influence, et non lui qui se fait influencer. C’est lui qui dicte la voie, donc il hérite de la responsabilité de dicter la bonne.
Avec un tel pouvoir d’influence, ça me dérange qu’aider la société et contribuer au développement d’une meilleure qualité de vie ne vienne pas en tête de liste des valeurs de travail les plus importantes (c’était sur la liste). Faire des profits vient naturellement quand on est entrepreneur, mais faire des profits de quelle manière et dans quel but? C’est là où je veux en venir. Il est incontestablement possible de faire des profits et d’aider la société du même coup, alors pourquoi l’objectif ne serait pas d’aider la société tout en rendant cela profitable ?
Alexandre Taillefer a compris. Dragon et entrepreneur en série, M. Taillefer a mis sur pied l’entreprise Téo taxi, qui offre le service de transport à l’aide de véhicules 100% électriques. Il s’intéresse donc aux enjeux sociétaux liés aux transports. Que dire aussi des barres Näak. Barre à base de grillons, ils ont su être innovateurs et du même coup développer un produit écoresponsable. Elle demande moins de ressources que les protéines lactées tout en produisant moins de déchets. Avec un peu de réflexion, il est possible de créer une entreprise rentable et d’avoir une influence positive sur l’environnement et la société.
ON RÉCOLTE CE QUE L’ON SÈME
C’est là une des beautés de l’entrepreneur engagé. Il construit cette voie, il sème les pousses d’un avenir sain sur l’autoroute de la surconsommation et des profits superficiels et volatils. L’entrepreneuriat engagé est l’endroit où l’on peut enfin recommencer à respirer à pleins poumons, où l’espoir devient concret à travers des projets novateurs qui s’appuient sur des principes de collaboration, de transparence et de partage. Si l’entrepreneur est réellement visionnaire, il verra suffisamment loin pour saisir l’importance des enjeux environnementaux et bâtir le changement en conséquence.