Avec l’arrivée d’internet et des médias en ligne, les médias traditionnels ont dû s’adapter aux changements du monde des médias, leur donnant ainsi plusieurs défis à relever.
Par Daphnée Plante (texte) et Katherine Chartrand (vidéo) | Arts, lettres et communication
Le professeur en journalisme à l’Université du Québec à Montréal, Jean-Hugues Roy, ne croit pas que ce soit précisément les nouveaux médias qui nuisent aux médias traditionnels. «Je ne sais pas si ce sont les nouveaux médias eux-mêmes qui représentent le plus grand défi pour les médias traditionnels, c’est peut-être plus la façon dont l’information est distribuée qui est un problème.»
Le rôle des journalistes au sein des médias traditionnels est présents afin de trier et d’analyser chaque nouvelle avant qu’elle ne soit publiée. Consommer de l’information au travers des réseaux sociaux peut entraîner plusieurs fausses nouvelles vu la rapidité à laquelle se propage une information.
Le directeur de l’information numérique pour Le Devoir, Florent Daudens, a quitté son emploi chez Radio-Canada pour joindre le journal en avril 2016. «L’inconvénient que peut apporter les réseaux sociaux, c’est de créer des communautés très fragmentées qui ne se parlent pas entre elles. Ça crée une machine à rumeurs assez forte et on doit beaucoup ramener les gens à une information vérifiée.»
DÉFIS FACE AUX NOUVEAUX MÉDIAS
Les nouveaux médias ont apporté une nouvelle façon de s’informer gratuitement et c’est ainsi qu’ils ont pris, avec eux, le revenu et une grande partie du lectorat des médias traditionnels. Les publicités ont effectivement changé de camp et ont rejoint les médias sociaux puisqu’ils offrent de l’information gratuitement, cela leur permet d’investir davantage auprès des publicitaires.
« Il y a de nombreux défis face aux nouveaux médias, explique Florent Daudens D’abord il y a des questions de modèle économique. Il faut déjà se réinventer parce que l’essentiel de nos revenus est en train de migrer vers les plateformes numériques. » explique Florent Daudens
Le rédacteur en chef pour La Presse, Éric Trottier vit également les conséquences de l’arrivée des les nouveaux médias. «Comme les nouveaux médias n’ont pas de salaires de journalistes à payer, ils offrent de la publicité à peu de frais, explique-t-il. Ils enlèvent donc les revenus des médias.»
Certains médias traditionnels ont pu s’adapter rapidement, mais ce n’est pas le cas d’autres qui ont pris le virage trop tard.
D’ailleurs, c’est pourquoi l’éditeur et le rédacteur en chef du Huffington Post Québec, Patrick White, croient qu’il est toujours nécessaire d’investir dans les médias traditionnels et sociaux. «Il faut investir dans les médias tout court parce que ça prend des journalistes qui vont faire le tri parce qu’il y a beaucoup trop d’information qui circule dans le monde.»
FAUX CONTENU?
Les médias qui diffusent du contenu sur les réseaux sociaux peuvent camoufler une vraie nouvelle en la transformant en non-nouvelle.
Jean-Hugues Roy explique que les réseaux sociaux ont parfois tendance à vouloir plaire au lecteur plutôt que de simplement rapporter une nouvelle. «Le problème avec les réseaux sociaux, surtout Facebook, c’est qu’on nous présente des informations qui nous plaisent.»
Dans un rapport établi par Infopresse, chez les Canadiens la crédibilité des avis publiés sur les médias sociaux est de 22% chez les 18-34 ans et de 12% chez les 34 ans et plus. Les nouveaux médias ont suscité beaucoup de réactions chez les journalistes des médias traditionnels puisque leur impact dans le monde des médias est grand, mais quelquefois frustrant pour certains.
Éric Trottier dénonce d’ailleurs le manque de contenu. «Les médias sur les réseaux sociaux sont davantage des réseaux que des médias, c’est une erreur d’appeler cela des médias parce qu’un média d’information ça génère du contenu en soi.»
L’AVENIR DES MÉDIAS TRADITIONNELS
Les journaux sont de moins en moins présents dans la société et ils sont remplacés par des applications ou des sites web.
Étudiante au secondaire à Terrebonne, Magalie Chartrand croit que les médias traditionnels disparaîtront dans quelques années dues au changement qu’a apporté le numérique dans la société. «D’après moi les médias traditionnels papier ne devraient plus exister dans quelques années, dit-elle. Aujourd’hui tout le monde ou presque possède un téléphone cellulaire et c’est vraiment plus rapide de s’informer là-dessus.»
Certains journaux traditionnels ont réussi à se faire une place sur le web. C’est le cas du Journal de Montréal et du Journal de Québec qui ont su maintenir leur lectorat.
Patrick White travaille pour le Huffington Post. «Les médias papier ont encore un avenir, peut-être pour 10 ou 15 ans, dit-il. Si on regarde le Journal de Montréal et le Journal de Québec, leur lectorat est un peu plus vieux, mais ils sont souvent gratuits dans les endroits publics. Pour les autres journaux, ça va être beaucoup plus difficile.»
L’IMPORTANCE D’INFORMER
Plusieurs nouveaux médias tels que Vice, Urbania et Le Huffington Post utilisent les nouvelles technologies afin de se renouveler, mais leur but premier reste de diffuser de l’information.
«S’informer est un besoin fondamental donc en mon sens il va toujours avoir une façon de répondre à ce besoin, affirme Jean-Hugues Roy. Même s’il y a des médias qui disparaissent, il va y avoir d’autres façons de s’informer qui vont apparaître. J’ai bon espoir qu’il y ait toujours des sources d’information.»
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UN CONSEIL POUR LES FUTURS JOURNALISTES
Le directeur de l’information numérique au Devoir Florent Daudens a travaillé pour La Presse et Radio-Canada au cours des dernières années.
« Je leur dirais que ce ne sera pas facile, mais il y a beaucoup plus de possibilité qu’il y en avait avant. Mon principal conseil serait de vraiment explorer le plus de format possible, d’être capable d’être bon en écrit, mais aussi en image. Commencez à vous bâtir une communauté sur les réseaux sociaux. Montrez que vous êtes actifs pour montrer que vous êtes capable d’en faire une utilisation journalistique. Pratiquez le plus possible, comme ça, quand vous allez arriver dans une salle de rédaction, vous aurez déjà des choses à montrer. Vous allez pouvoir prouver de quoi vous êtes capable. Finalement, c’est peut-être naïf à dire, mais,suivez vos passions. Je pense que c’est ce qui compte le plus. »
Jean-Hugues Roy a reçu le prix René-Lévesque de journalisme en 1994 alors qu’il était journaliste à Radio-Canada. Il enseigne aujourd’hui, un nouveau type de journalisme, le journalisme de données à l’Université du Québec à Montréal.
«S’informer est un besoin fondamental, donc, a mon sens, il va toujours y avoir une façon d’y répondre, même s’il y a des médias qui disparaissent. Il va toujours avoir une façon d’informer. Il va y avoir des nouvelles plateformes qu’on ne connaît pas encore. J’ai bon espoir qu’il y ait toujours des médias et des sources d’informations qui vont exister dans le monde. Je ne suis pas trop inquiets pour mes étudiants.»
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