Éditeur et rédacteur en chef du Huffington Post Québec depuis 2010, Patrick White a vu l’émergence des nouveaux médias dans le monde journalistique. Durant son parcours, il a travaillé pour plusieurs grands journaux, dont La Presse, le Journal de Québec et l’agence de presse Reuters.
Par Daphnée Plante | Arts, lettres et communication
Selon vous, quel est l’avenir des médias traditionnels papier?
Les médias papier ont encore de l’avenir pour peut-être 10 à 15 ans. Si on regarde le Journal de Montréal ou le Journal de Québec qui ont un très grand public, leur lectorat est un peu plus vieux et leurs journaux sont souvent gratuits dans les restaurants et autres lieux publics. Pour les autres journaux, ça va être beaucoup plus difficile parce qu’il y a une grosse baisse de revenu publicitaire. Il y a eu un transfert de la publicité vers internet et les médias numériques. Ça leur fait très mal puisqu’ils ont pris un gros retard dans le virage numérique. Ça représente un énorme défi pour eux et ils doivent se poser des questions. Par exemple, est-ce qu’on met une paywall (payer pour un minimum de contenu)? Qu’est-ce qu’on fait avec Facebook, Instagram et Snapchat?

Comment les réseaux sociaux peuvent changer le travail des journalistes?
Premièrement, l’ADN du Huffington Post est les médias sociaux. Une des premières choses qu’on a faites en lançant le site était d’aller sur Facebook. Maintenant, ce qui se passe souvent, c’est que le journaliste qui couvre un événement va faire un Facebook en direct ou tweeter,Ça a tout changé. Tout le contenu passe par les médias sociaux. Les médias sociaux ont complètement changé la game et le journaliste doit s’adapter pour être de plus en plus à l’écoute de ce qui se passe. Maintenant, les nouvelles sortent sur internet et non à CNN ou à Radio-Canada. Ensuite, il faut vérifier si l’information est vraie et c’est pourquoi nous avons des journalistes ici. Pour ça, ça ne change pas le travail des journalistes, mais pour le reste oui.
Pourquoi serait-il encore nécessaire d’investir dans les médias traditionnels?
La question qu’il faudrait poser c’est : pourquoi faudrait-il investir dans les médias tout court? Parce que ça prend des journalistes pour trier les informations puisqu’il y en a trop qui circulent dans le monde. Pour la démocratie, c’est vraiment important d’avoir des journalistes qui vont essayer de comprendre le monde pour que les gens à la maison aient une meilleure compréhension de ce qui se passe ailleurs ou ici. Donc, le travail des journalistes est plus important que jamais, surtout pour vérifier les informations. Le travail des médias traditionnels ou non traditionnels demeure le même. Il faut continuer à avoir des journalistes professionnels pour être certain que la démocratie va toujours fonctionner.
Donc malgré les nouveaux médias, vous croyez que les médias traditionnels sont nécessaires à la société d’aujourd’hui?
Oui, les médias traditionnels sont nécessaires, mais tous les médias le sont, peu importe leur forme. Avant, au Québec, il y avait beaucoup plus de stations de radios, de chaînes de télévision traditionnelles et de stations de radios avec des salles de nouvelles. Aujourd’hui l’information vient uniquement de TVA et de Radio-Canada donc, il y a d’autres médias qui ont émergé comme Le Huffington Post, Buzzfeed et Vice. Ça ne fait que commencer. Il y a aussi plein de blogs spécialisés qui fonctionnent très bien. Tous les médias ont une place. Personnellement, je ne fais pas la distinction entre les médias traditionnels et les nouveaux médias.
La technologie a-t-elle « tué» les médias traditionnels?
Les médias traditionnels se sont mal adaptés à internet. Ils n’y croyaient pas. J’ai fait plusieurs tournées du Québec au milieu des années 90 pour expliquer l’importance d’internet et les gens riaient de ça. Ils n’ont pas pris internet au sérieux dès le début.ls ont donc fait leur virage vers les années 2000, mais il était déjà trop tard. Par la suite, ils n’ont pas compris que la publicité allait faire un transfert vers le numérique. La plupart ont lancé leur site web trop tard ou n’en avaient pas. Ils n’ont pas compris que la vidéo était très importante et très payante sur internet. De plus, on a sous-estimé l’importance des technologies et on s’est fait dépasser par beaucoup d’autres médias ici ou ailleurs. On n’a pas assez investi dans la formation des journalistes et on en paie peut-être le prix aujourd’hui.