Les bibliothèques sont toujours vivantes

La bibliothèque publique est le lieu culturel attirant le plus grand nombre de québécois chaque année selon des statistiques recueillies par l’Association des bibliothèques publiques du Québec. Intrusion dans ce milieu silencieux pour constater son impact bruyant sur ses adeptes.

Par Étienne Bonenfant (texte) et Rosalie Cyr (vidéo) | Arts, lettres et communication

Michael David Miller est un anglophone d’origine américaine travaillant comme bibliothécaire spécialisé en littérature française à l’Université McGill depuis mars 2014. Les bibliothèques publiques lui ont ouvert les portes de la francophonie après avoir débuté à les fréquenter dès l’âge de dix ans. «C’était surtout pour avoir accès au monde, parce que ma famille n’avait pas les moyens d’acheter des livres ou d’accéder à l’internet», raconte le jeune homme de 28 ans, timide de discuter dans un français pourtant irréprochable.

Michael a grandi dans un milieu défavorisé et apprendre était pour lui une façon d’échapper à cette réalité. Il aimait passer des heures à lire confortablement à propos de la nature et des autres cultures pour découvrir «des choses inaccessibles dans [son] petit village du Michigan», se rappelle-t-il. Ses cours de français lui ont ensuite transmis un intérêt pour l’apprentissage de cette langue.

Cette passion lui a permis d’obtenir un Baccalauréat en études françaises, puis une Maîtrise en bibliothéconomie à l’Université de Montréal. Les bibliothèques ont aidé Michael à s’intégrer et à se faire des amis grâce à des Québécois désirant lui en apprendre davantage sur la langue et la culture d’ici.

UNE ÉDUCATION PERSONNALISÉE

Nathalie Frigon est une adepte de la bibliothèque municipale de Laval. Cette mère de famille aime emprunter des documents et satisfaire son désir de connaissances. «Je trouve pratique de ne pas avoir à payer si je veux lire trois ou cinq livres ou regarder une série télé» affirme-t-elle. Ce service gratuit permet une démocratisation de l’information.

Le rôle principal des bibliothèques publiques est l’éducation des gens tout au long de leur vie», affirme la bibliothécaire de L’Assomption, Marjolaine Bertrand. Elle observe une majorité de jeunes familles venant s’installer à la Bibliothèque Christian-Roy pour lire aisément. «Les enfants viennent avec leurs parents ou leurs grands-parents pour s’asseoir côte à côte et vivre un moment d’affection», explique la bibliothécaire émerveillée par ce chaleureux phénomène.

Ces moments précieux ont été, pour Nathalie Frigon, une belle façon d’inciter son enfant à la lecture. «Un enfant, il faut le stimuler, affirme la mère de famille. S’il va dans une bibliothèque et y voit des milliers de livres, il va vouloir regarder.»

Les bibliothécaires, les techniciens de l’information et les commis présents dans les bibliothèques publiques transmettent leur passion pour la lecture. Il s’agit d’un «lieu de francisation idéal pour les nouveaux arrivants, pour apprendre sur la langue et la culture locale», affirme le bibliothécaire de l’Université McGill, ayant lui-même passé par là auparavant. Il cite en exemple la Grande Bibliothèque de Montréal avec sa section destinée aux nouveaux arrivants. Elle y présente le nécessaire à connaître à propos du Québec et de la métropole.

RGÉtienneBonenfant

UN LIEU SOCIAL IMPORTANT

Robin Arrachepied est étudiant à l’École nationale d’aérotechnique (ÉNA). Il a découvert les bibliothèques publiques dans son enfance grâce à des visites faites avec son école primaire. Il a pourtant commencé à y aller fréquemment dans ses premiers temps libres à l’école secondaire. «J’ai lu beaucoup de magazines spécialisés sur les insectes, la physique, l’espace, la liste est longue», raconte le passionné de sciences pures.

Robin a toujours eu un intérêt pour les romans fantastiques ou les bandes dessinées dans lesquelles il pouvait s’identifier aux héros toujours en quête de nouvelles trouvailles. «Ça alimentait sûrement le choix d’aller plus tard dans le domaine du savoir», raconte l’étudiant de l’ÉNA.

Le calme de la bibliothèque lui fait du bien, mais il ne réussit pourtant jamais à y travailler. «J’ai trop d’images dans ma tête, je pense aux livres que je pourrais prendre», explique le jeune étudiant.

Marjolaine Bertrand affirme être témoin de nombreuses discussions entre les usagers de la Bibliothèque Christian-Roy. «Il s’agit souvent du seul moment de la journée où ils ont une discussion avec quelqu’un, témoigne-t-elle émue. Ils sont contents de venir nous voir. Les employés sont habitués et prennent le temps de parler avec eux.» La bibliothèque municipale de L’Assomption est d’ailleurs le seul lieu social dans la ville où les gens peuvent se rencontrer gratuitement pour vivre la culture en harmonie.

Michael David Miller a développé sa propre théorie pour tenter de comprendre les besoins et motivations des usagers. «Tout est automatisé actuellement, mais la bibliothèque offre un contact physique avec une personne intéressée à nos questions pour vraiment nous aider», constate le bibliothécaire. Il aime d’ailleurs se considérer comme un phare présent pour guider les gens et les aider à retrouver l’information dans cet océan énorme.

UNE UTILISATION MODERNE

L’avènement de l’utilisation d’internet et des nouvelles communications a effrayé les amateurs de livres imprimés, mais il ne s’est pourtant jamais créé autant de bibliothèques que ces dernières années selon le professeur de l’école de bibliothéconomie de l’Université de Montréal, Marcel Lajeunesse.

M. Lajeunesse est aujourd’hui retraité, mais il apprécie toujours suivre l’évolution des bibliothèques de Montréal et ses alentours. «Internet n’inquiète plus les bibliothécaires», constate-t-il. Les jeunes bibliothécaires ont une connaissance de l’informatique et de l’internet leur permettant d’utiliser les nouvelles technologies comme partenaires essentiels.

La bibliothèque a évolué au rythme de la société et s’adapte à ses besoins. «Les gens ne voient plus la bibliothèque uniquement comme l’endroit où aller chercher des livres», affirme Marjolaine Bertrand. Plusieurs peuvent y faire des rencontres, découvrir des conférences ou s’installer pour lire et étudier. Internet occupe une place importante dans les recherches des citoyens, «mais souvent les livres sont plus organisés et mieux vulgarisés, donc ils préfèrent venir chercher ici», constate la bibliothécaire de L’Assomption.

Les livres numériques sont un élément important de l’actualisation des bibliothèques publiques au Québec. Plus de deux millions de livres sont disponibles dans la collection numérique de l’Université McGill.

La technologie sera de plus en plus disponible dans les bibliothèques. Offrir la possibilité d’accéder à des appareils comme une imprimante 3D ou un écran vert serait «la meilleure façon pour les bibliothèques publiques de rester fidèles à leur mission de rendre l’inaccessible accessible pour tous», selon le jeune bibliothécaire de l’Université McGill.

Les bibliothèques publiques ont encore une page importante de leur histoire à écrire. «L’idée d’un troisième lieu faisant le pont entre le travail et la maison est à développer dans les prochaines années», affirme Marjolaine Bertrand. Les bibliothécaires de l’Université McGill croient aussi à l’utilité de cet espace idéal dont rêvent toutes les bibliothèques du Québec. Elles doivent maintenant laisser le temps à la communauté de lui permettre de continuer à évoluer comme elle l’a toujours fait.

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DES ACTIVITÉS POUR ACCROCHER LES LECTEURS

La Bibliothèque Christian-Roy de L’Assomption offre un service adapté à ses usagers grâce à des programmes et activités pour faciliter l’accès à la lecture pour tous. La majorité de ses initiatives cible les enfants, mais plusieurs services sont aussi disponibles pour les adultes.

Le programme Une naissance, un livre est offert à l’échelle de la province et permet à un nouveau parent de se rendre à sa bibliothèque municipale pour y inscrire son enfant en échange d’une trousse contenant un livre et des magazines offerts au nouveau-né pour l’inciter à s’intéresser à l’objet. «Souvent, c’est le seul moment dans leur vie où ils ont accès à un livre», témoigne la bibliothécaire de L’Assomption, Marjolaine Bertrand.

Les plus vieux ont droit à leur propre club de lecture selon leur tranche d’âge. Le Club du rat Biboche offre aux enfants de 3 à 6 ans l’opportunité de découvrir une sélection d’albums jeunesse dans le cadre de séances mensuelles. Ils y explorent la bibliothèque pour se familiariser avec les lieux, mais l’objet central des rencontres demeure la lecture d’un conte.

Le Club des aventuriers du livre cible les enfants de 7 à 14 ans désirant découvrir des nouveaux livres pour continuer à lire pendant l’été. Ces groupes sont une «façon pour eux de rester en contact avec le livre, mais de façon plus ludique», comme l’explique Mme Bertrand.

Le Club du lecteur averti offre le même privilège aux adultes désirant faire des découvertes littéraires accompagnés de gens passionnés. Ils ont la possibilité de discuter en compagnie d’une écrivaine d’une thématique différente à chaque fois pour se libérer de leur quotidien.

La bibliothèque se donne aussi comme mandat d’aider les personnes à mobilité réduite en offrant un service de prêt à domicile. Un bénévole se déplace au moment convenu préalablement avec chaque abonné et lui permet de lire sans avoir à se déplacer.

À lire aussi : La bibliothèque publique en constante évolution

 

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