Le monde du cinéma est supposément en crise depuis plusieurs années au Québec. La situation peut sembler floue pour certains.
Par Julie Lebrun (texte) et Yanira Berger (vidéo) | Arts, lettres et communication
Rencontrée dans un petit café bruyant de Montréal, la réalisatrice Anne Émond fait part de son rêve de travailler dans le monde du cinéma depuis son plus jeune âge. La cinéaste a réalisé plusieurs films tels que Nuit #1, Les Êtres chers et plus récemment, Nelly.
Elle confie que c’est l’ensemble du cinéma mondial, et non seulement celui au Québec qui fait face à de grands défis.
QUESTION DE BUDGET
Le budget accordé pour la production des films au Québec est limité si l’on compare des États-Unis. «Certains des meilleurs films de l’histoire du cinéma ont été faits dans des conditions exécrables» croit l’enseignant de cinéma au Cégep de St-Jérôme, Philippe Lemieux. Il maintient aussi qu’avec les technologies numériques à notre disposition, le succès d’un film n’est plus simplement une question de moyens, mais une question de scénario.
L’industrie québécoise ne pourrait pas réaliser des films professionnels et à grand budget sans l’aide financière de la SODEC (Société de développement des entreprises culturelles) et de Téléfilm Canada. La directrice générale de Québec Cinéma, Ségolène Roederer, explique «qu’aucune cinématographie nationale ne peut se produire sans l’aide de l’état.» Alors, sans l’aide financière du gouvernement, la création du septième art nous serait limitée, voire impossible.
«L’industrie de la culture est la plus payante, c’est elle qui va générer le plus de profits, affirme la cinéaste Anne Émond. On engloutit des millions de dollars dans Bombardier ou dans l’aviation, même si c’est nécessaire, ça reste que c’est l’industrie de la culture qui est la plus payante» croit-elle.
Le membre de la SODEC, Alain Rondeau confie que si les citoyens ont parfois l’impression que l’état dépense de l’argent pour rien dans la culture, il croit plutôt que c’est rentable pour la société québécoise.
DURE COMPÉTITION
Il n’est pas réaliste selon l’enseignant de cinéma Philippe Lemieux de comparer le cinéma québécois avec les productions américaines. «On est une petite population francophone, dans un pays anglophone, précise M. Lemieux. Le cinéma américain est commercial, avec des gros studios. Ce sont des institutions privées et indépendantes qui financent le cinéma alors ils ont plus de moyens.»
Un jeune étudiant passionné par le cinéma (et plus particulièrement par celui du Québec) Étienne Bonenfant, a plutôt l’impression que c’est dans la promotion des films que c’est différent. «Les films américains, on en entend parler longtemps croit-il. Le cinéma américain a droit à une plus grande vitrine. C’est plus simple d’en faire la promotion et de l’afficher dans le journal.» Selon le jeune homme, l’avantage que le cinéma américain a repose beaucoup sur les effets spéciaux, surtout dans les films d’action. Il continue en disant «qu’ils vont chercher le côté spectaculaire» que les spectateurs aiment.
La cinéaste Anne Émond estime que le cinéma québécois fonctionne avec 1% du budget des films américains. «Donc, ce que les Américains font au niveau du cinéma d’action et des effets spéciaux, c’est quelque chose qui est complètement inaccessible au Québec», soutient-elle.
Selon le Journal de Montréal, en 2016, 50% des films québécois n’ont pas attiré 3000 spectateurs et les films américains accaparaient 82% des parts du marché canadien.
REPRÉSENTATION DE NOTRE IDENTITÉ
Anne Émond croit sincèrement qu’une grande partie des Québécois a des préjugés négatifs envers son cinéma. Elle pense aussi que les films produits au Québec parlent justement de la population «d’une manière honnête» alors que dans le reste du pays, ils essaient de reproduire ce que les Américains font. Au final, les Québécois peuvent se retrouver et se reconnaître en leur cinéma. Ce sont leurs travers et leurs qualités qui sont représentés au grand écran, selon elle.
Pour la directrice générale de Québec Cinéma, cet art populaire touche au coeur. «Le cinéma est comme le rêve de la culture, c’est ce qui nous définit, c’est notre reflet, c’est notre regard, éventuellement nos aspirations.» dit-elle. Selon elle, il est très important d’avoir une identité nationale.
Ce ne sont malheureusement pas tous les Québécois qui ont pour but principal le succès de notre cinéma. «M. Guzzo, c’est un homme d’affaires. Ce n’est pas quelqu’un qui est là pour simplement encourager l’art.» explique Philippe Lemieux. Il ne se gêne donc pas pour écourter le passage des films québécois dans les salles de cinéma s’ils n’ont pas le succès souhaité.
«Il y a vraiment un attachement particulier que le peuple devrait avoir pour son cinéma, ça permet de présenter des réalités qu’on a tendance à ignorer.» ajoute l’étudiant Étienne Bonenfant.
L’AVENIR LEUR APPARTIENT
La réalisatrice de Nelly a la chance de voyager beaucoup grâce à ses films et elle confirme que depuis une dizaine d’années, le cinéma québécois à l’international est reconnu. «Nos films circulent et gagnent des prix partout», ajoute-t-elle.
L’enseignant Philippe Lemieux soutient fortement que l’avenir se dessine autour des réalisateurs qui vont sortir des écoles de cinéma et qui vont essayer de changer les choses.
Un des noms qui circule le plus dans le monde du cinéma depuis quelques années est certainement celui de Xavier Dolan. L’avenir appartient aux jeunes, mais aussi aux cinéastes avec plus d’expérience qui commencent à se démarquer à l’extérieur du pays comme Denis Villeneuve.
«La SODEC a des programmes qui s’adressent aux jeunes créateurs, de 18 à 35 ans. C’est la relève!» explique Alain Rondeau.
Étienne Bonenfant a l’impression de son côté qu’il y a une mobilisation qui est en train de se produire. L’industrie essaie d’aller chercher les jeunes selon lui, notamment avec le Prix collégial du cinéma québécois auquel il participe depuis deux ans.
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L’ÉTAT DU CINÉMA FRANÇAIS
Alors que le cinéma québécois est dans son apogée, qu’en est-il du cinéma français?
Il est certainement en déclin au Québec depuis les années 1980 selon un article publié dans Le Devoir. Il serait de moins en moins populaire ici principalement, car les Québécois ne connaissent pas la majorité des vedettes qui jouent dans leurs films. Les Français insèrent dans leur film de nombreuses références culturelles qui sont inconnues pour le public québécois.
Les années 2014 et 2015 ont été bonnes du côté des entrées en salle en France. L’année 2016 a été par contre décevante vu les résultats des années précédentes. Il faut dire qu’en 2014 et 2015, beaucoup de grosses productions comme La famille Bélier ou Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ou Lucy sont sorties en salle.
Les cinéphiles français peuvent voir la lumière au bout du tunnel après une année insatisfaisante. Plusieurs films à succès sont prévus pour 2017, dont Demain tout commence qui a connu un très bon départ au Québec et en France.
Les Français ont eu moins de 50 millions d’entrées l’année dernière pour leurs films présentés à l’étranger, c’est la toute première fois depuis dix ans que cela arrive.
L’Europe demeure malgré tout le continent qui exporte le plus ses films à l’étranger. L’Amérique du Nord est en deuxième place.
Un des grands problèmes du cinéma français au Québec est le manque de diffusion. Les chaînes télévisée privilégient les films américains, généralement plus populaires, au détriment des films français.
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