La professeure à l’école des médias de l’UQAM, Gabrielle Trépanier-Jobin, enseigne un cours à propos de YouTube, la culture participative et les microcélébrités et explique la montée en importance du métier de youtuber.

Par Sandrine Ouellet | Arts, lettres et communication

Qu’apporte YouTube de nouveau à la société?
YouTube contribue à la diversification des contenus médiatiques. Plusieurs chaînes vont me donner ce que j’aime et ce que je veux, ce qu’on appelle des médias de niche. Des gens peuvent se regrouper autour d’une communauté d’affinités, ce qui transforme les rapports sociaux. Par contre, la diversification des contenus a comme effet d’enfermer tout le monde dans leur bulle médiatique. On partage moins les référents culturels avec notre entourage et les gens sont confrontés à un moins grand nombre d’opinions variées. Ce phénomène est appelé, dans le domaine d’étude médiatique, chambre d’écho.

Pourquoi YouTube prend-il autant d’expansion ces dernières années?
L’avènement de toute la culture participative et le fait que depuis une dizaine d’années on vit dans une société où les consommateurs sont appelés à devenir le producteur ont préparé le terrain à l’arrivée de YouTube. Ce dernier est venu accélérer la montée en importance de cette culture participative et la rendre plus accessible. YouTube fait partie de ce concept qui le dépasse et qui existait déjà dans les années 20-50 avec le phénomène des fans qui s’appropriaient leur objet médiatique de prédilection pour faire de la fan fiction.

Quels sont les avantages à se créer une chaîne YouTube?
J’ai l’impression que les youtubers ont la chance de vivre de leur passion. Ils représentent une nouvelle forme de main-d’oeuvre appelée playbor, ceux qui s’amusent en travaillant. Ce phénomène de brouiller les frontières entre le plaisir et le travail est de plus en plus répandu dans notre société. D’un côté plus politique, un net avantage est de pouvoir faire un pied de nez à la société de surveillance actuelle. On est constamment filmé à notre insu dans les endroits publics. Aussi, notre téléphone et Internet nous traquent et pompent nos données personnelles pour les vendre à des publicitaires. L’idée de pouvoir se filmer soi-même et révéler des détails de notre vie privée en ligne permet en quelque sorte aux gens de reprendre contrôle sur leur vie privée.

Quels sont les désavantages à se créer une chaîne YouTube?
C’est un métier précaire où l’on doit continuellement se renouveler pour être certain de plaire à notre public. Les youtubers sont particulièrement à risque du trolling puisqu’elles se mettent un peu en danger en parlant de contenu un peu personnel. Aussi, j’ai l’impression que c’est un milieu où il y a encore beaucoup d’appelés et peu d’élus. Certains pourraient être déçus de s’engager dans cette aventure et de voir que ça ne fonctionne pas aussi bien pour eux. Les youtubers sont obligés de faire du self-branding fait partie de leur métier et ce n’est pas tout le monde qui est à l’aise avec ça.

Pour combien de temps encore pensez-vous que ce métier va perdurer?
On assiste à la professionnalisation de la pratique des youtubers et, de façon corollaire, à la prolifération de livres qui les aident à se créer une chaîne attrayante et rentable. il y a aussi de plus en plus de collectifs ou d’agences qui offrent des services pour aider les youtubers dans leur métier de façon professionnelle. Donc, le métier de youtuber est en train de se normaliser et on peut supposer qu’éventuellement les écoles de médias donneront des formations sur la gestion d’une chaîne YouTube et sur la façon de se promouvoir dans les médias.