La photographie numérique prend le contrôle

L’enseignant en photographie au Cégep du Vieux-Montréal Martin Benoit trace les grandes lignes de la démocratisation de la photographie à l’ère numérique et la menace que représente les photographes amateurs à l’égard des photographes professionnels.

Par Camille Brossard | Arts, lettres et communication

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L’évolution des caméras traditionnelles est exposée dans le magasin de photographie du Cégep du Vieux Montréal.

Qu’est-ce qui différencie le processus technique de la chambre noire de celui de la photographie numérique?

En matière de changement d’attitude technique, la photographie traditionnelle était un geste artisanal. La chambre noire occupait un bon moment dans la vie d’un photographe. Aujourd’hui, c’est plus un geste abstrait. On est assis derrière un écran. Un ordinateur ne fait pas appel aux mêmes muscles cérébraux, on le voit chez les étudiants. Quand le cours de photographie traditionnelle arrive en troisième année, les moins forts à l’ordinateur deviennent forts en photographie traditionnelle. Il y a un geste et une vitesse. La photographie traditionnelle est plus lente et plus manuelle. Elle fait appel à des réactions physiques plutôt qu’à des algorithmes et des comportements à l’écran.

De nos jours, avec les avancées technologiques très rapides, croyez-vous que l’utilisation de la chambre noire pourrait devenir la marque de commerce de certains professionnels?

La chambre noire est devenue la marque de commerce de certains professionnels, mais c’est un phénomène marginal. Il y a quelques photographes en Europe et aux États-Unis offrant cette signature particulière. La majorité des effets produits par la photographie traditionnelle peuvent être simulés en numérique. Donc, au niveau du coût, de la vitesse et du contrôle, ce n’est pas tellement justifiable. Il faut reconnaître un retour vers la photographie traditionnelle. Amazon a vendu énormément d’appareils argentiques ce Noël et Fuji a fait plus d’argent avec les appareils argentiques que les appareils numériques cette année. Personne ne voit une ruée vers l’or avec un retour vers l’argentique. Il y a vraiment des coûts associés et ce n’est plus simple comme avant, parce qu’il n’y a presque plus de laboratoires ou de matériaux.

Quel a été l’élément déclencheur du virage vers la photographie numérique?

La photographie numérique a tout à coup pris un essor à la suite de deux éléments : la baisse de prix des appareils et la qualité qui a augmenté. Au début de la photographie numérique, c’est-à-dire le début des années 2000, ce n’était pas tout à fait au rendez-vous. Elle était au rendez-vous juste pour la photographie de presse où la vitesse était importante. Pour tous les autres secteurs, ça ne se justifiait pas, la pellicule était beaucoup trop supérieure. Quand la photographie numérique a réussi à baisser le prix et augmenter la qualité, les gens ont opté pour la simplicité, pour la vitesse de l’exécution et les faibles coûts. Quand la performance et le prix ont été au rendez-vous, il n’y a pas eu de raison de revenir en arrière.

Est-il possible d’imaginer un futur presque inexistant pour les photographes professionnels alors que les photographes amateurs prennent de plus en plus d’ampleur?

Je ne crois pas parce que la photographie professionnelle n’est pas juste de prendre la photo. Prendre la photo, c’est à peu près 10 à 15 % du travail. Le reste, c’est de négocier des contrats, fabriquer des offres de services, gérer une entreprise, faire la promotion de son entreprise, faire des images, traiter les images et respecter les droits d’auteurs. Toute cette grosse mécanique est du ressort de l’entrepreneuriat qu’un amateur n’a pas.

Comment pourrions-nous préserver la photographie traditionnelle au profit du numérique?

Cela ne peut pas arriver parce que les fournisseurs de matériel traditionnel ne sont pas au rendez-vous. Les matériaux ont cessé d’exister : 90% des matériaux traditionnels ont disparus. On a beau avoir les caméras, il faut mettre de la pellicule dedans et il faut avoir des produits chimiques pour les développer. Tous les produits s’amenuisent parce que cette industrie coûtait énormément d’argent et c’était justifiable si l’on avait les ventes. Il y aura donc du matériel, mais pas les matériaux.

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