Les réalisateurs : leur chemin vers la gloire

Le scandale autour du cinéaste Claude Jutra fait beaucoup parler. La population québécoise apprend des faits qui ternissent la réputation de ce grand cinéaste. Celui-ci avait gagné plusieurs prix québécois et avait été récompensé à l’international, notamment en Angleterre. La renommée de cet homme est incontestable. La renommée d’un cinéaste dépend de plusieurs facteurs, par exemple, les producteurs avec qui il fait affaire et les festivals auxquels il a participé.

Par Justine Arancio | Arts, lettres et communication

Le premier homme de cinéma du Québec est Léo-Ernest Ouimet. On lui doit la grande majorité de ce qui a été produit dans la première moitié du XXe siècle. Il est le premier à ouvrir une salle de cinéma au Québec. Dans les années 1950, un film marque le début de notre cinéma par sa grande popularité. Il s’agit du récit de La petite Aurore l’enfant martyre. Que ce soit pour divertir, émouvoir ou pour faire passer un message, chaque production a des intentions distinctes. Certaines œuvres sont destinées à créer du profit. Dans la dernière année, les films qui ont été les mieux reçus sont des films hollywoodiens d’animation ou d’action. À titre d’exemple, le film le plus populaire de 2015 au Québec a été Jurassic Park, suivi des Minions, qui ont rapporté plus de huit millions de dollars chacun. Le film québécois qui a été le plus apprécié de la population québécoise est Le Mirage avec Louis Morissette, qui a engendré seulement 2,8 millions en recettes. Aucun film québécois ne figure sur la liste des dix films les plus populaires de l’année.

Les films québécois, comparativement aux films américains, ont peu de succès au box-office. Dans ce cas, la renommée des réalisateurs se fait plus difficilement au Québec. (Crédit photo: Communauté de communes de la Haute Bigorre.)
Les films québécois, comparativement aux films américains, ont peu de succès au box-office. Dans ce cas, la renommée des réalisateurs se fait plus difficilement au Québec. (Crédit photo: Communauté de communes de la Haute Bigorre.)

Les budgets accordés aux productions hollywoodiennes sont astronomiques comparativement aux budgets des films d’ici. L’an dernier, six projets seulement ont eu accès à plus de quatre millions de dollars pour réaliser un long métrage. «Les gens sont toujours à court d’argent, peu importe le budget qui leur est d’abord accordé», dit la scénariste, réalisatrice et enseignante à l’Université de Montréal, Renée Beaulieu. Les Québécois sont capables de faire des miracles avec de petits budgets, ce qui attire l’attention internationale. Elle affirme aussi que le fait d’avoir de plus petits budgets, ce qui était le cas dans sa plus récente réalisation (Le Garagiste), laisse plus de place à la liberté créative, puisque les réalisateurs n’ont pas la pression des institutions financières. Le cinéma d’auteur est plus répandu au Québec que le cinéma de divertissement. En 2015, on compte 33 films québécois qui ont pris l’affiche. Toutefois, on considère une petite poignée de ceux-ci comme des films «à formule» qui touchent un grand nombre de personnes. Il y a certainement une différence entre la production de cinéma d’auteur et celle d’un cinéma de divertissement. Les genres sont omniprésents dans le cinéma. Leurs structures très hollywoodiennes restreignent la créativité des réalisateurs. Les réalisateurs doivent trouver un moyen d’amener leurs spectateurs là où ils ne s’y attendent pas tout en respectant les restrictions des genres.

«LE FAIT D’AVOIR DE PLUS PETITS BUDGETS LAISSE PLUS DE PLACE À LA LIBERTÉ CRÉATIVE, PUISQUE LES RÉALISATEURS N’ONT PAS LA PRESSION DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES.», RENÉE BEAULIEU, RÉALISATRICE DU FILM LE GARAGISTE

Selon la directrice de l’Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec (ARRQ), Caroline Fortier, tous les cinéastes souhaitent que la population visionne leur création. Ceux-ci ne sont pas prêts à dénaturer leur œuvre pour rendre leur film plus commercial. Ils ne se risqueront donc pas pour ajouter des blagues qui rendront leur œuvre plus accessible au grand public. Les réalisateurs québécois s’expriment davantage dans des courts et longs métrages qui exposent des représentations sociales que des films d’action à gros budget, par exemple. Alors qu’elle était en tournage du Garagiste, Renée Beaulieu avoue avoir été consciente dès le départ de ne pas être en réalisation d’une œuvre comme Le Mirage ou même Les Boys. Elle accepte de faire ce qui l’intéresse et ce qui l’interpelle en tant qu’artiste. Selon elle, tout est une question d’intérêts et du type de message que l’on désire lancer. Personne n’a la même vision ni la même motivation. Dans la démarche d’un artiste, il suffit d’être captivé et de s’attacher à une idée ou un scénario pour avoir un projet final satisfaisant. Les artistes du cinéma se doivent d’aimer ce sur quoi ils travaillent, car cela demande énormément d’énergie. En aimant ce sur quoi ils travaillent, les résultats sont à la hauteur de leurs attentes et donc plus susceptibles d’avoir une bonne réception.

Le festival de Sundance est un événement important pour les réalisateurs qui souhaitent être reconnus pour leur travail. Plusieurs Québécois y ont présenté leurs courts et longs métrages dans les dernières années. (Crédit photo: Flick, The Egyptian)
Le festival de Sundance est un événement important pour les réalisateurs qui souhaitent être reconnus pour leur travail. Plusieurs Québécois y ont présenté leurs courts et longs métrages dans les dernières années. (Crédit photo: Flick, The Egyptian)

LES FESTIVALS COMME PORTE D’ENTRÉE
Pour atteindre une renommée, les réalisateurs québécois se doivent de faire leurs preuves par un moyen quelconque. Au Québec, certains cinéastes ont l’opportunité de voir leur film être sélectionné pour recevoir des prix comme le PCCQ, c’est-à-dire le Prix collégial du cinéma québécois ou bien un gala comme celui du cinéma québécois.

«POUR LES CRÉATEURS QUI DÉBUTENT DANS LE MÉTIER, LEUR COURT-MÉTRAGE, SI SUBVENTIONNÉ PAR LA SODEC, NE POURRAIT RECEVOIR PLUS DE CINQ MILLE DOLLARS EN AIDE FINANCIÈRE.»

Pour avoir un succès à l’échelle internationale, les cinéastes ont souvent besoin de participer à des festivals de grande envergure. Parmi les festivals cinématographiques les plus prestigieux sont celui de Cannes, le festival de film Sundance, celui de Toronto, mieux connu sous l’acronyme TIFF ou même celui de Venise. Les films récompensés dans ces rampes de lancement ont plus de chances d’être ensuite représentés et nominés aux Oscars, la soirée la plus importante dans le cinéma.
À titre d’exemple, la carrière de Denis Villeneuve a pris son envol grâce au film Maëlstrom qu’il a écrit et réalisé. Cette œuvre cinématographique a été distribuée dans plusieurs pays dans le monde, puis a reçu plus de vingt-cinq récompenses grâce à des plateformes de rayonnement. À ce jour, Villeneuve est considéré comme un réalisateur de renom. Il travaille maintenant avec plusieurs acteurs et grands producteurs hollywoodiens. Dans les dernières années, il a réalisé trois suspenses dont les protagonistes sont campés par de grands noms de l’industrie américaine. Cette transition vers le cinéma aux États-Unis a été réussie grâce à la visibilité procurée par les festivals internationaux.
Pour obtenir de la crédibilité dans le domaine cinématographique, il ne suffit pas de participer aux festivals. Les réalisateurs doivent avoir un portfolio intéressant et convaincant aux yeux des producteurs. Les gens avec qui ils font affaire ont, eux aussi, un impact sur leur crédibilité. Celle-ci est très importante puisqu’elle a une influence sur la perception des producteurs sur les réalisateurs. Quand les cinéastes sont financés par de grandes firmes, leur renommée s’en trouve bonifiée.
Selon le jeune réalisateur William Robitaille, la participation aux festivals n’est en aucun cas un gage de réussite, car pour plusieurs réalisateurs leur film ne fait l’objet que d’un engouement momentané pour finalement avoir autant de mal à obtenir des fonds pour leur prochain film. Selon lui, l’important n’est pas la victoire dans un festival mais bien d’y être présent avec de nouveaux projets. Les festivals sont, en grande partie, une opportunité de rencontrer des gens et de se faire connaître parmi le grappin du domaine. Les créateurs, comme M. Robitaille, tentent le plus possible de se rendre sur les plateformes de rayonnement pour tisser des liens avec des producteurs qui pourraient un jour les aider. Les coûts, pour la publicité d’un film, augmentent rapidement. La distribution d’un film représente une importante part des coûts puisqu’ils comprennent soit le salaire d’un distributeur ou le montant des inscriptions aux divers festivals.

Le nombre de longs métrages québécois produits par année change. Plusieurs facteurs peuvent entrer en ligne de compte. (Crédit photo: Société de développement des entreprises culturelles)
Le nombre de longs métrages québécois produits par année change. Plusieurs facteurs peuvent entrer en ligne de compte. (Crédit photo: Société de développement des entreprises culturelles)

De son côté, la directrice de l’Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec (ARRQ), Mme Caroline Fortier estime que les galas sont essentiels à la renommée d’un cinéaste. Leur présence serait aussi indispensable à ce type d’événement. Elle croit que ceux-ci sont en grande partie un marché où les producteurs peuvent décider s’ils investissent ou non dans un projet particulier avec un réalisateur précis.
Il suffit de prendre l’exemple de Denis Côté. La renommée de cet homme de cinéma a été presque exclusivement bâtie dans les plateformes de rayonnement. Il a été récompensé dans au moins neuf festivals différents à travers le monde. C’est ainsi que s’est construite sa renommée dans le domaine cinématographique.

«LES GALAS SONT ESSENTIELS À LA RENOMMÉE D’UN CINÉASTE.», CAROLINE FORTIER, DIRECTRICE DE L’ASSOCIATION DES RÉALISATEURS ET RÉALISATRICES DU QUÉBEC.

Une majeure partie du financement se fait après les festivals. Les jeunes réalisateurs de la relève ont beaucoup de difficulté à obtenir des subventions des compagnies comme la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC). Selon William Robitaille, il est normal que les subventions culturelles soient les premières à être coupées, puisque l’État préfère, évidemment, investir de l’argent dans les domaines de l’éducation et de la santé. Pour les créateurs qui débutent dans le métier, leur court-métrage, si subventionné par la SODEC, ne pourrait recevoir plus de cinq mille dollars en aide financière.
En plus des subventions qui sont difficiles à obtenir, la réception des films québécois est insatisfaisante. Le cinéma de genre répond aux attentes des spectateurs. C’est donc ardu pour les cinéastes qui font davantage de cinéma d’auteur d’être reconnus au Québec.

L’IMPACT DES RÉCOMPENSES
Les festivals sont un bon coup de pouce pour les réalisateurs qui souhaitent être reconnus dans leur domaine. Ces plateformes de rayonnement leur offrent la chance d’être vus par de grands producteurs et de faire la connaissance de spécialistes. Ceux-ci peuvent, plus tard, servir de bonnes références pour leurs projets.
Parfois, la renommée d’un réalisateur importe peu aux producteurs. Un film sera une réussite si le producteur et le réalisateur forment un bon duo. Ils se doivent de bien s’entendre et d’être sur la même longueur d’onde. Les producteurs, dans la majorité des cas, ne font pas les premiers pas vers les réalisateurs. Ces derniers ont déjà leur idée et leur synopsis. Ils désirent seulement que quelqu’un s’intéresse assez à leur projet pour une implication financière. Les réalisateurs, de renom ou pas, sont souvent ceux qui vont aller de l’avant pour aller à la recherche de commandites.
Les prix et les récompenses n’ont pas nécessairement d’impact sur la réussite d’un film au box-office. Un court ou un long métrage peut être récipiendaire de plusieurs prix et n’être vu qu’en festival et très peu en salles de cinéma. Le film Rebelle, un film québécois réalisé par Kim Nguyen, est un bon exemple de ce phénomène. Ce drame a gagné des prix à Berlin, à Vancouver et aux États-Unis et a aussi été en nomination aux Oscars, mais les chiffres du box-office ont été décevants. La réception d’un film dépend de son histoire et de l’interpellation du récit.
Les budgets accordés à la publicité au Québec, comparativement aux États-Unis, est minime. Les bandes-annonces des productions américaines sont sur nos écrans plusieurs mois avant la sortie en salle du film en question. Par exemple, les premières images du film Capitaine America: Guerre civile sont sorties au mois de novembre 2015 alors qu’il a été mis à l’affiche le 6 mai 2016. Les studios d’Hollywood ont un budget qui leur permet de faire ce type de publicité contrairement aux producteurs et réalisateurs d’ici.

Les réalisations québécoises ont des petits budgets. Les cinéastes doivent se contenter de produire leur film avec moins de ressources. (Crédit photo: Stripey Travels)
Les réalisations québécoises ont des petits budgets. Les cinéastes doivent se contenter de produire leur film avec moins de ressources. (Crédit photo: Stripey Travels)

Dans un article paru dans La Presse, on remarque que la plupart des films québécois, mis à part les plus grands succès tels que Les invasions barbares, La grande séduction et C.R.A.Z.Y., sont en déficit budgétaire. Le gouvernement, en 2014, a décidé de réduire de 20% le crédit d’impôts destinés aux films québécois. Cette décision, ainsi que la non-implication de l’État, dérange les producteurs qui se questionnent à savoir comment ils convaincront de grands cinéastes comme Villeneuve et Vallée de venir tourner leurs projets internationaux au Québec. De plus, la concurrence avec l’Ontario se fait féroce puisque le crédit d’impôt applicable de cette province canadienne est d’environ 22,5%. Cela nuit aux réalisateurs québécois qui n’ont pas nécessairement la chance d’être reconnus au Québec en raison de divers facteurs financiers.
Le cinéma québécois se tourne dorénavant ailleurs dans le monde. Le marché prend de l’expansion grâce à des thèmes nationaux. De plus en plus, des réalisateurs québécois sont remarqués dans les festivals à travers le monde entier. Ceux qui ont plus de succès sont d’ailleurs invités à réaliser des longs métrages avec les plus gros noms de l’industrie cinématographique, notamment aux États-Unis. Ce phénomène encourage les réalisateurs du Québec de renom à faire le saut dans l’industrie américaine, où ils ont la chance de travailler avec de gros budgets et des acteurs de renommée internationale. Des noms comme Jean-Marc Vallée sont maintenant bien connus parmi le grappin des vedettes d’Hollywood. Il est aussi important de considérer que, pour certains qui créent eux-mêmes leur contenu, la renommée se bâtit plus rapidement grâce au web et les réseaux sociaux.

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