Deux écrivains, deux époques, une même scène: ce que ça donne

Malgré l’écart entre leurs époques, deux grands écrivains, Molière et Mikhail Boulgakov, se partagaient la scène au Théâtre du Vieux-Terrebonne cet hiver grâce à l’adaptation théâtrale du Roman de monsieur de Molière par Jean-Dominique Lavigne, mise en scène par Lorraine Pintal. Si l’écrivain russe du 20e siècle, Boulgakov, s’identifie à Molière, c’est parce que les deux ont un but en commun: contrer la censure.

Par Elyssa Boutin

Le roman de monsieur de Molière met en vedette Jean-François Casabonne dans le rôle de Mikhail Boulgakov et Éric Robidoux dans le rôle de Molière. La pièce nous propose une vision romancée de la vie de ce dernier, de sa naissance à sa mort. On assiste ainsi au début de sa carrière, à sa rencontre avec le Roi Louis XIV, à son mariage avec Armande et à sa maladie.

Si la pièce de théâtre est un succès, c’est surtout grâce au jeu des acteurs. En effet, Éric Robidoux, dans le rôle de Molière, nous propose une évolution du personnage très précise : commençant par un Molière timide lors de sa rencontre avec son amante, Madeleine Béjart, jouée par Rachel Graton, il devient, à la fin, plutôt cinglé. De plus, Robidoux est capable d’alterner entre le vrai Molière et celui qui est le comédien de ses pièces, par exemple, dans une scène dans laquelle il imite une personne âgée.

Les costumes de la pièce sont aussi réussis. Pour la plupart, ils sont représentatifs de l’époque. Ceux qui font le plus sensation sont certainement ceux du frère du roi, interprété par Philippe Thibault-Denis. Le personnage, extraverti tant par ses vêtements que par ses mimiques, donne à la pièce une certaine touche d’humour. S’il ne correspond pas aux normes proposées par les autres personnages, on peut le percevoir comme un rappel d’une des caractéristiques du théâtre de Molière : la comédie.

Sur une note plus négative, l’intention de la pièce est plus ou moins atteinte. En effet, le parallèle entre la vie de Molière et Boulgakov n’est pas très bien représenté. L’apparition de ce dernier est très rare, sauf au début. Il n’est qu’un simple figurant sur le côté de la scène et on saisit mal son vrai rôle dans la pièce.Les dialogues entre ces deux grands écrivains sont courts et presque insignifiants. De ce fait, ladite narration que devait faire Boulgakov n’a pas vraiment eu lieu.

Tout cela étant dit, j’ai trouvé que Jean-Dominique Lavigne aurait pu mettre plus d’accent sur le parallèle entre les époques de Molière et de Boulgakov. Si ce dernier avait été davantage le chef d’orchestre de la pièce, le but aurait été mieux atteint et cela aurait été moins mélangeant pour les spectateurs.