Dans les dix séries télé les plus regardées en 2018 au Québec, 11% des rôles étaient joués par des personnes racisées alors que les personnes issues de minorités visibles au Québec représentent 14% de la population. Cette situation fâche la communauté noire qui aimerait être mieux représentée à l’écran.
Par Loriane Perreault | Arts, lettres et communication
Aucun acteur noir ne figurait sur la liste des nommés pour le Gala Artis 2019, ce qui n’est pas surprenant puisque les premiers rôles sont rarement offerts aux Noirs.
Les critiques sur le manque de diversité à l’écran ne cessent de se manifester encore aujourd’hui alors que 15% de la population est pourtant issue d’une minorité visible au Québec, selon un article du Soleil publié en 2019. «En fait, c’est un enjeu qui est subtil, mais très présent et généralisé, dit le cinéaste, Justice Rutikara. C’est complexe.»

RÉALITÉ
«Lorsque je me suis retrouvé à Montréal, je me suis rendu compte qu’il y avait une grande différence entre la réalité des lieux et ce qu’on représentait à la télévision et au cinéma québécois», dit Justice Rutikara. Lorsqu’il voyageait en métro, par exemple, les passagers étaient issus de diverses communautés culturelles alors qu’à la télévision, il ne voyait que des Blancs.
Cette réalité est également vraie pour plusieurs autres minorités. «Les choses, je l’espère, vont évoluer pour l’ensemble des minorités visibles, mais aussi des minorités autres, que ce soit les personnes marginalisées parce qu’elles ont un handicap physique ou une identité qui n’est pas conventionnelle», dit le comédien, Iannicko N’Doua.

CAUSE
Cette sous-représentation est une problématique complexe. Il est impossible de savoir si elle est intentionnelle ou non. Il est également difficile d’affirmer qu’il existe une cause précise au problème.
Le comédien Mamoudou Camara a une hypothèse: Il y a une fermeture d’esprit au Québec chez les décideurs. «On en revient toujours à ça, aux décideurs, dit-il. Ils sont encore fermés.»
Iannicko N’Doua abonde dans le même sens et ajoute que ce serait également générationnel. «Je pense qu’à partir du moment où les gens qui seront à la tête des décisions vont être plus jeunes, tout ça va être du passé, mais malheureusement, on est encore accroché à une vieille façon de faire et j’ai l’impression que les groupes en question ont été frileux jusqu’à maintenant», dit-il.
OPTIMISME
Les événements des dernières années, comme le décès de George Floyd aux États-Unis, ont cependant engendré une prise de conscience. Les points de vue sur le sujet diffèrent, mais tous s’entendent pour dire qu’une évolution est visible.
«Je pourrais dire qu’au Québec, avant ça, il y avait déjà des petits pas qui se faisaient, dit Mamoudou Camara. Ça, il faut l’admettre.»
La comédienne, Linda Malo, a été la première femme noire, en 1996, à tenir le rôle-titre dans une télésérie québécoise, Jasmine. Elle est d’accord pour dire qu’un changement est visible. «Les temps changent, le multiculturalisme est tellement présent, dit-elle. Notre télévision doit aussi changer, elle est le reflet de notre société.»
Il est possible d’agir contre ce manque de diversité, croit Iannicko N’Doua. «Ce qui va changer ça, c’est d’être en contact avec des gens issus de partout et d’avoir envie de représenter le monde dans lequel on vit, dit-il. C’est de là qu’on tire toute la richesse de notre expérience. Je vois que des portes s’ouvrent de plus en plus. Pour moi, mais aussi pour des gens autour de moi.»
L’assistante à la logistique et à la production du Festival international du film black de Montréal, Andrea Este, est déterminée à faire changer les choses. «Nous, on va continuer de se battre pour avoir nos plateformes, notre visibilité, dit-elle. En se réunissant, on pourrait devenir plus fort.»