Les technologies au secours des «dys»

Les troubles d’apprentissage ayant comme préfixe «dys» sont en train d’envahir les écoles du Québec. Dyslexie, dysorthographie, dyspraxie sont des troubles d’apprentissage dont les diagnostics sont en hausse de 37% auprès des jeunes selon les plus récents chiffres du ministère de l’Éducation depuis les sept dernières années. Les jeunes qui en sont atteints peuvent désormais augmenter leurs chances de réussite grâce aux soutiens technologiques auxquels ils ont droit.

Par Johanny Leblanc | Arts, lettres et communication

Ces problèmes se manifestent par toutes sortes de difficultés de lecture et d’écriture durant la période scolaire et depuis peu, les diagnostics ne font que croître. Plus d’un enfant sur vingt est maintenant atteint d’un trouble d’apprentissage relié aux «dys». Les écoles sont plus confrontées à ce genre de problème. «De nos jours, un trouble est accompagné d’un autre et c’est à ce moment-là que ça devient plus difficile à gérer parce que ces élèves-là en valent deux», explique une enseignante au primaire de la commission scolaire des Affluents, Gabrielle Lavoie.

Depuis la réforme scolaire, mise en place au tournant des années 2000, le système d’éducation prône l’inclusion scolaire, donc les classes spécialisées sont moins reconnues. Les élèves se retrouvent tous dans des classes normales, et ce, même pour les jeunes en trouble d’apprentissage. «Si un seul enfant par classe a des difficultés d’apprentissage, il va finir par réussir grâce à l’aide qu’on lui fournit. Tandis que s’il y en a trois dans une seule classe, on ne peut pas tous les aider en même temps au maximum», rajoute la jeune enseignante récemment diplômée.

Depuis quelques années, les élèves ayant reçu un diagnostic «dys» ont le droit d’avoir des technologies d’aide. Des livres audio un système de lecture nécessitant l’emploi d’un ordinateur, des logiciels pour lire à voix haute et plusieurs autres, l’utilisation est accordée aux jeunes en trouble d’apprentissage. Les enseignants doivent adapter leur enseignement pour ces jeunes afin qu’ils puissent utiliser leurs outils technologiques. Selon Gabrielle Lavoie, les étudiants au baccalauréat en enseignement ne reçoivent cependant pas les formations adéquates. Les professionnels de l’enseignement vont utiliser une correction moins sévère pour eux. Par exemple, mis à part pour les dictées de français, les fautes d’orthographe ne seront pas corrigées. Aussi, pour les travaux, dictées et évaluations, un tiers du temps de plus sera accordé à ces jeunes «dys». Les enseignants leur donnent accès à un aide-mémoire électronique pour certaines règles orthographiques. Souvent, ces élèves ont la permission de photocopier les notes prises par un autre élève de la classe. Ces différents outils de communication sont bénéfiques pour la dyslexie, la dysorthographie et la dyspraxie. Un outil de communication sert à collaborer et/ou échanger de l’information de sorte que cette information soit correctement véhiculée. Ces outils aident donc les jeunes à mieux capter l’information qu’ils reçoivent.

La dyslexie est la difficulté à lire les lettres, car les lettres peuvent s’inverser selon la perception du jeune, ou bien les mots dans une phrase peuvent être à des niveaux différents sur la page. Un jeune dysorthographique n’a pas de mémoire orthographique, c’est-à-dire qu’il ne se souvient jamais de l’orthographe des mots et la dyspraxie se repère quand un élève a de la difficulté face à la compréhension d’un message, quand le message ne se rend pas au récepteur de l’enfant. «On repère majoritairement les troubles en première année du primaire quand les élèves apprennent à lire et à écrire», confirme une psychoéducatrice d’expérience, Marie-Pierre Reno. «Les enfants disent carrément que les lettres bougent», précise-t-elle.

Les cas de dyslexie sont en hausse depuis les dernières années.
Les cas de dyslexie sont en hausse depuis les dernières années. (Source : Google)

COLLABORATION ENTRE SPÉCIALISTES
Mis à part les enseignants, d’autres spécialistes amènent un soutien auprès des jeunes ayant des difficultés d’apprentissage. Il y a une collaboration entre l’école et le CLSC pour le suivi des élèves et des parents. L’école va se concentrer sur le suivi des jeunes dans son milieu, tandis que le CLCS va assurer le suivi de l’enfant à la maison. Ces spécialistes vont communiquer ensemble afin de s’assurer qu’il y ait une continuité et une cohérence entre ce qui est fait à l’école et à la maison. À l’école, l’enfant reçoit le service en orthophonie afin de travailler spécifiquement sur le trouble d’apprentissage ainsi que sur les stratégies à adopter. Il reçoit également le service d’éducateurs spécialisés qui lui va l’aider à bien utiliser ces outils technologiques de communication pour palier à ses difficultés. Les enfants en difficulté reçoivent le soutien de plusieurs intervenants et professionnels travaillant en sa faveur pour mettre en place les outils de communications technologiques qui vont lui permettre de répondre à ses besoins. Les méthodes d’enseignement sont aussi adaptées à ses élèves afin de favoriser leur réussite.

«PLUS D’UN ENFANT SUR VINGT EST MAINTENANT ATTEINT D’UN TROUBLE D’APPRENTISSAGE RELIÉ AUX «DYS»

TECHNOLOGIES D’AIDE
Plusieurs techniques sont utilisées afin d’aider les jeunes qui souffrent de dyslexie, de dysorthographie ou de dyspraxie. Depuis cinq ou six ans, les élèves ayant reçu un diagnostic «dys» ont le droit d’avoir des technologies d’aide et ces outils permettent aux jeunes de combler leur manque de fluidité en lecture et en écriture. Les aides technologiques misent considérablement sur les aspects visuels et auditifs.

Les dictionnaires linguistiques électroniques permettent d’avoir accès rapidement à une multitude d’informations concernant l’orthographe des mots et la conjugaison de verbes. «Les jeunes qui présentent des troubles d’apprentissage sont très lents au moment d’avoir recours au dictionnaire ou aux livres de référence. Le dictionnaire électronique leur permet donc d’économiser un temps précieux de recherche et de prioriser leur réflexion de leurs idées et la construction de leurs phrases» explique une orthopédagogue, spécialisée au niveau de la dyslexie, Chantal Legault.

Bien qu’une majorité d’étudiants non dyslexiques l’utilisent à des fins de correction, le logiciel Antidote est plus qu’un simple correcteur. Il est aussi un dictionnaire orthographique, un dictionnaire des synonymes et de conjugaison. De plus, il permet de voir l’illustration d’un mot sélectionné et d’entendre sa prononciation. Un logiciel du nom de Dragon NaturallySpeaking permet de s’adresser verbalement à son ordinateur au lieu de se servir d’un clavier. Ce type de logiciel relit à l’élève ce qu’il vient d’écrire. Les élèves peuvent donc communiquer avec les programmes de traitement de textes comme Microsoft Word et le programme tape les paroles de l’utilisateur. L’élève peut aussi sélectionner du texte dans un document électronique et le faire lire par le logiciel. «Au moment de la révision de leurs écrits, les dyslexiques ne voient pas leurs erreurs grammaticales ou lexicales, ils relisent ce qu’ils croient avoir écrit. Je crois donc que ce type de logiciel est d’une aide vraiment précieuse pour ces enfants en difficulté», affirme l’orthopédagogue.

Selon Mme Legault, «les tablettes, de même que les ipad , les enregistreurs numériques, où tout ce qui a trait à la technologie est des outils technologiques qui répondent à la majorité des besoins des jeunes qui ont des troubles d’apprentissage et cela facilite leur éducation scolaire.»
Depuis les années 2010, le marché de l’édition s’est ouvert et a commencé à proposer des livres adaptés aux personnes ne pouvant pas accéder facilement à la lecture. Les éditions la Plume de l’Argilète sont spécialisées en livres adaptés avec de grands caractères pour permettre aux enfants de lire avec plus de facilité. Les lettres sont plus espacées, les contrastes de couleurs sont poussés et les phrases sont courtes et simples.

Les outils d’aide technologiques sont bénéfiques pour les enfants en trouble d’apprentissage.
Les outils d’aide technologiques sont bénéfiques pour les enfants en trouble d’apprentissage. (Source : Google)

PLUS DE CHANCE DE RÉUSSITE
L’impact des outils d’aide qui sont davantage en élévation sont bénéfique pour chaque apprentissage que les jeunes doivent faire face. Ces soutiens électroniques et sociaux donnent une chance inouïe aux jeunes qui souhaitent persévérer malgré leur handicap invisible. Selon un témoignage, la vie d’un jeune utilisant des logiciels pour les troubles d’apprentissage a changé complètement puisque ses notes scolaires sont passées de 30% à 70%. Le président du conseil d’admission de l’Association québécoise des troubles d’apprentissage (AQETA) assure que «des jeunes qui connaissent enfin le succès grâce à la technologie, il y en a beaucoup.»

«CES SOUTIENS ÉLECTRONIQUES ET SOCIAUX DONNENT UNE CHANCE INOUÏE AUX JEUNES QUI SOUHAITENT PERSÉVÉRER MALGRÉ LEUR HANDICAP INVISIBLE.»

Les étudiants sont d’ailleurs plus nombreux qu’avant à accéder aux études supérieures. Environ 1000 étudiants dyslexiques ont fréquenté l’université dans les années 2011-2012. C’est 400 de plus qu’il y a cinq ans, selon une étude fait l’AQETA.
«La dyslexie c’est un problème qui persiste en dépit des interventions pour corriger le problème» explique Chantal Legault. Évidemment, les méthodes ne sont pas appropriées pour tout le monde puisque chaque personne dyslexique ou dysorthographique n’est pas en déficit au même niveau. Même si la technologie réussit à couvrir une majorité de problèmes pour les «dys», le trouble reste quand même présent.

OUTILS COÛTEUX
«L’aide technologique permet de pallier certaines incapacités. Une personne en fauteuil roulant a besoin d’une rampe pour contourner les escaliers, une personne ayant des troubles d’apprentissage a besoin de moyens pour l’aider à contourner les obstacles en lecture et écriture» explique la direction de l’Association québécoise des troubles d’apprentissage (AQETA), Lorraine Patry-Diotte.

Les outils d’aide à l’éducation ainsi que les rencontres et les suivis tenus avec des spécialistes en troubles d’apprentissage ne sont pas gratuits. De nombreuses familles n’ont pas les moyens financiers requis pour bénéficier d’une aide complète. L’achat d’un ordinateur comportant les logiciels nécessaires pour un élève «dys» peut coûter jusqu’à 2 000$. Les coûts reliés à cette situation sont élevés ce qui veut dire que les jeunes en déficit sont brimés dans leur éducation pour cause monétaire.
La rencontre avec un orthophoniste coûte en moyenne 85$ de l’heure. Si un médecin le juge utile, il peut prescrire un bilan orthophonique aux parents de jeunes en troubles d’apprentissage. Ce bilan qui sera effectué par l’orthophoniste sera pris en charge à 60% par l’assurance-maladie.

«La classe moyenne et les plus antis peuvent se payer des outils adéquats ainsi que tout ce que ça prend pour aider les jeunes qui ont un trouble d’apprentissage, explique la directrice de l’AQETA, Lorraine Patry-Diotte. Les gens plus vulnérables ne peuvent pas se payer et c’est ce qui fait la différence entre les deux cas. On voit plus souvent des «dys» qui proviennent de famille en déficit monétaire» ajoute-t-elle.

Tout récemment, il y a eu une modification de la méthode pour obtenir des subventions, car désormais le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur donne un certain budget à la commission scolaire qui elle le gère et la répartie dans certains outils afin d’aider les destinataires. Le privé lui fait toujours affaire avec le MELS pour obtenir des subventions et c’est de même pour le collégial. Les commissions scolaires ne comblent donc pas la totalité des frais déboursés par les parents ayant des enfants en difficulté d’apprentissage. Les familles en milieu plus défavorisées n’ont pas les moyens d’assurer de tels déboursements.

«DE NOMBREUSES FAMILLES N’ONT PAS LES MOYENS FINANCIERS REQUIS POUR DISPOSER D’UNE AIDE COMPLÈTE.»

AIDE FINANCIÈRE
«Pour obtenir ces outils, il y a la possibilité de faire une demande de subvention», confirme la directrice de l’AQETA, Lorraine Patry-Diotte. Pour obtenir ces subventions, les cas doivent être diagnostiqués par des spécialistes. Le gouvernement fédéral offre des subventions d’un montant pouvant atteindre jusqu’à 195,91$ par mois, pour un total de 2351 par année, pour un enfant admissible. Seules les familles à faible revenu sont admissibles à cette subvention.

Quelques instituts comme l’Institut des troubles d’apprentissage prennent en charge le devoir d’amasser des dons afin de venir en aide à ces familles dans le besoin. Elle aide les familles ayant des enfants de tous âges. L’institut des troubles d’apprentissage assure aux personnes atteintes d’un TA «l’égalité des chances pour leur permettre de développer pleinement leur potentiel et de contribuer positivement à la société», selon le site internet de l’institut.

Une majorité de technologies peut répondre aux besoins des élèves ayant des troubles d’apprentissage. Elles sont fréquemment utilisées comme soutien à l’enseignement, à l’apprentissage et à la rééducation. Ces mesures de soutien offertes aux étudiants dyslexiques, dysorthographiques ou dyspraxiques augmentent considérablement leurs chances de réussite scolaire et professionnelle. Loin de devenir des béquilles pour les élèves, ces outils principalement technologiques représentent au contraire une source de motivation et un moyen compensatoire à leur difficulté très efficace.

Il y a un manque dans les outils d’aide technologiques pour les gens ayant des troubles d’apprentissage.
Il y a un manque dans les outils d’aide technologiques pour les gens ayant des troubles d’apprentissage. (Source : Statistique Canada)

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