Depuis l’avènement des réseaux sociaux en 1995, on peut compter environ 2 060 milliards d’internautes actifs sur les sphères publiques. Avec cette grande popularité, l’utilisation des réseaux sociaux a changé. Par exemple, des groupes criminels comme les proxénètes ou les terroristes y ont découvert une facilité d’utilisation pour atteindre leur but. Ainsi, distinguer les bonnes intentions des mauvaises à travers ces milliards de pseudonymes est devenu difficile dans cet univers virtuel.
Par Marjorie Forget
Les réseaux sociaux ont acquis une popularité hors du commun chez les jeunes de 18 à 24 ans depuis les dernières années. Facebook et Youtube sont en têtes de liste ayant 92% d’utilisateurs pour le premier et 100% d’utilisateurs pour le deuxième, selon une étude NETendances menée en 2014 par le Centre facilitant la recherche et l’innovation dans les organisations (CEFRIO). Les jeunes y sont connectés pour principalement consulter du contenu (à 97.7%) et interagir avec d’autres passe en quatrième place à 74,7%, selon la même étude.
«UN GROUPE D’EXPLOITANTS SEXUELS PEUT FACILEMENT CIBLER LA VICTIME PARFAITE SIMPLEMENT EN REGARDANT LE PROFIL FACEBOOK DE QUELQU’UN.»
Plusieurs phénomènes dangereux déjà connus se sont répandus sur les réseaux sociaux par un moyen simple et sans risque dont l’exploitation sexuelle, selon l’analyste en affaires policières et terroristes, Stéphane Berthomet.
Un groupe d’exploitants sexuels peut facilement cibler la victime parfaite simplement en regardant le profil Facebook de quelqu’un. Les jeunes adolescents ne sont pas conscientisés par l’importance du contenu qu’ils déposent sur les réseaux sociaux. Selon le sondage de Common sense Média mené aux États-Unis en 2009, 28% des utilisateurs partagent des informations personnelles qu’ils ne partageraient pas en public.
Les victimes sont caractérisées de vulnérables, sensibles et fragiles lorsqu’elles affichent des informations intimes dans des environnements non protégés, si elles entre en contact avec des étrangers ou si elles vivent des relations difficiles, selon Habilo Médias. Elles sont plus susceptibles d’être la proie de ces proxénètes.
À travers un réseau social, la distance entre deux individus n’existe plus. L’échange de messages, de vidéos, de photos ou d’informations personnelles est rapide et facile. De cette façon, la cueillette d’information est efficace pour le groupe criminel en question. On peut en apprendre beaucoup sur une victime en faisant des recherches sur le sujet en question.
«UN RÉSEAU SOCIAL DONNE L’IMPRESSION DE LIBERTÉ, MAIS « L’IMAGE QUE L’ON PROJETTE D’UN RÉSEAU SOCIAL[…] NE DOIT JAMAIS ÊTRE DÉCONNECTÉ DE LA RÉALITÉ SEULEMENT PARCE QU’ELLE N’EST PAS MATÉRIELLE »» -STÉPHANE BERTHOMET, ANALYSTE EN AFFAIRES POLICIÈRES ET TERRORISTES
Il arrive que les proxénètes ou terroristes cherchent à attirer l’attention des jeunes en leur envoyant de la «publicité». Sans entrer dans le recrutement, «les membres [de groupes criminels] s’affichent [sur les réseaux sociaux] pour faire la promotion de leur groupe.», a affirmé le doctorant de l’École de criminologie de l’Université de Montréal, David Décary-Hétu, dans le journal universitaire Forum, en avril 2013. En publiant des photos de leur mode de vie, ils essaient de faire valoir leur réputation. Ce phénomène est plus connu sous le nom du cyberbanging
Le danger sur internet n’est pas tangible, mais tout de même réel. Un réseau social donne l’impression de liberté, mais «l’image que l’on projette d’un réseau social […] ne doit jamais être déconnectée de la réalité seulement parce qu’elle n’est pas matérielle», exprime M. Berthomet.
L’analyste a tenté une expérience rapportée dans l’article Les réseaux sociaux: là où naissent des djihadistes sur le site de Radio-Canada en 2015. Elle consistait à découvrir ce que les termes «terrorisme» et «radicalisation» déclenchaient comme réaction sur les réseaux sociaux. Son expérience a été concluante. En quelques minutes, il s’était fait proposer des lectures pouvant pousser quelqu’un à la radicalisation.
La Sécurité publique du gouvernement du Québec a fait une recherche sur le crime organisé à travers les réseaux sociaux. Facebook, Twitter et Myspace se sont révélés les trois sites les plus utilisés pour la promotion de la culture des gangs.
Les réseaux sociaux ouvrent des portes qui donnent un accès facile aux informations personnelles et privées. Ils permettent de voir l’influençabilité et à la curiosité d’une personne. Puis, ils permettent d’élargir le public cible d’un gang en y exposant des attraits dangereux ou nouveaux.
UNE ÉTENDUE INCONNUE
Internet accélère le processus de radicalisation et devient une vitrine de propagande pour les gangs entre autres celui de l’État islamique(E.I). Les jeunes sont les plus visés puisqu’ils sont les plus actifs sur les réseaux sociaux.
Établir une stratégie médiatique par les réseaux sociaux est le plan de certains groupes terroristes comme l’EI. Il leur vend un rêve, un pays avec sa propre monnaie et où la richesse sera partagée équitablement.
Les médias sociaux ont ouvert une porte aux curieux. Ils représentent un nouveau canal pour les personnes qui partagent les valeurs du mode de vie des gangs de se regrouper et d’interagir sur un espace commun. De fait même, il permet de faire participer un plus grand nombre de personnes distantes physiquement.
Ces sphères publiques accélèrent la rumeur sur la viralité d’un message. Le spécialiste en stratégie web et médias sociaux, Martin Lessard, affirme qu’il n’y a pas de chiffre exact sur la vitesse à laquelle peut voyager une publication. Par contre, elle est effectivement accélérée par ces réseaux puisqu’ils sont tous reliés par l’option «partage» disponible sur chaque plateforme. La visibilité sur les réseaux sociaux est exponentielle. Les jeunes de 18 à 29 ans ont, en moyenne, 500 amis avec qui ils partagent différents contenus. Ce sont donc 500 personnes qui consultent, partagent, aiment ou commentent les informations privées d’un individu. Le chiffre est, par la suite, multiplié par leurs 500 autres amis qui peuvent voir eux aussi les activités de leurs amis et à leurs tours, aimer, partager, commenter, ainsi de suite.
De plus, l’émission Salut Bonjour a informé, il y a quelques semaines, que le directeur du FBI, James Comey a estimé une augmentation de la criminalité causé par les vidéos virales sur les réseaux sociaux.
Les réseaux sociaux ont mis peu de temps à s’installer dans le quotidien des internautes contrairement aux premiers outils de communication. On compte 38 années à la radio avant d’atteindre les 50 millions d’utilisateurs alors qu’il a fallu neuf mois à Twitter pour atteindre ce même chiffre, selon le cabinet McKinsey, une compagnie qui aide les directeurs d’entreprises à approfondir leurs connaissances sur l’économie.
«L’AMPLEUR QUE PEUT PRENDRE UNE PUBLICATION SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX EST PARFOIS DÉMESURÉE.»
La rapidité à laquelle la popularité des réseaux sociaux a évolué reflète, du fait même, la vitesse à laquelle un contenu voyage sur ces mêmes plateformes. Selon Culture Cross média, Facebook représente 41 000 statuts partagés chaque seconde, 1,8 million de «Like» chaque minute de 350 millions de photos ajoutées chaque jour. En quelques secondes, une information passe de privée à public et c’est un processus irréversible.
Le contenu influence la viralité d’une publication. Une photo ou un vidéo est deux fois plus partagés qu’un article ou un texte. L’ampleur que peut prendre une publication sur les réseaux sociaux est parfois démesurée. Par exemple, le rapport sur les risques mondiaux de Global Risk a montré qu’un faux tweet destiné au ministre de l’Intérieur russe a annoncé que le président syrien était mort ou blessé. Cela a provoqué une hausse du prix brut de plus d’un dollar avant que les courtiers ne comprennent que l’information était fausse.
Le danger est qu’internet est sans frontière et sans limite. Les informations personnelles ou publiques qui y sont déposées n’ont plus de propriétaire une fois publiées. Il n’y a aucun moyen de savoir où vont nos informations et à qui elles se rendent.
De plus, malgré la suppression d’un compte Facebook par exemple, les informations personnelles peuvent demeurer accessibles jusqu’à deux ans après la suppression de celui-ci.
L’impact des réseaux sociaux sur les jeunes de 18 à 24 ans est majeur puisqu’ils n’ont pas conscience de la différence entre l’espace public et l’espace privé. Leur façon de communiquer de l’information est différente d’avant l’ère des réseaux sociaux et évolue constamment. Diffusé et créer du contenu web est maintenant possible pour tous.
Non seulement les réseaux sociaux changent leur façon de communiquer, mais aussi de vivre. Leurs frontières se sont élargies, maintenant, le monde est à leur portée. Le danger est qu’ils sont, eux aussi, à la portée du monde.
RÉSEAUX SOCIAUX : AMIS OU ENNEMIS
L’usage des réseaux sociaux varie selon chaque utilisateur. Principalement, le concept de réseau social est basé sur une notion où tout le monde devient l’ami de tout le monde. Cependant, selon le site du Centre canadien de protection de l’enfance, les sites de socialisation attireraient plus de délinquants sexuels.
Lorsque les jeunes entretiennent une relation virtuelle avec un autre utilisateur, ils créent un lien de proximité. Paradoxalement, ils ne prennent pas les mesures de protection nécessaires au danger potentiel d’un inconnu sur ces sites, comme si cela ne les touche pas, alors qu’ils sont à quelques clics de ce même danger.
Dans le Code criminel, l’utilisation d’internet pour séduire des jeunes ou convaincre de les rencontrer pour des activités sexuelles est considérée comme un crime.
La Sécurité publique du Québec surveille ces sites de réseautage pour l’application des lois visant, entre autres, les gangs.
En janvier 2014, une jeune fille s’est vue coupable d’avoir forcé, par l’entremise des réseaux sociaux, d’autres jeunes filles à se prostituer.
RESPONSABILISER L’USAGE DES RÉSEAUX SOCIAUX
L’utilisation d’internet doit être un apprentissage. Les internautes gèrent eux-mêmes leur environnement en ligne. Ils doivent donc être conscients des risques que comporte celui-ci.
Au Québec, la Commission d’accès à l’information est responsable de faire respecter les lois sur la protection de la vie privée. Cependant, il revient aux utilisateurs de protéger leurs informations. «Le droit d’une personne de contrôler l’accès à sa personne et aux renseignements qui la concernent. Le droit à la vie privée signifie que la personne décide des renseignements qui sont divulgués, à qui et à quelles fins.» a exprimé le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada lors du congrès portant sur la liberté de l’information et de la protection de la vie privée le 13 juin 2002.
Les principales failles des réseaux sociaux selon le site français Clubric, sont l’absence de vigilance des utilisateurs, la constante évolution de ces plateformes et la grande liberté d’action qu’ils laissent aux internautes.
Avant l’arrivée du web 2.0, internet permettait la création de contenu à une certaine élite. Le web 2.0 est devenu le web de l’anonymat. Il existe des solutions permettant de créer des sites sans avoir de connaissance et y déposer du contenu sans savoir la fiabilité de celui-ci.
Premièrement, la source doit être indiquée clairement. Deuxièmement, l’information doit provenir d’un organisme ou d’une institution fiables et connus. Troisièmement, le contenu doit être pertinent, abondant, détaillé et avoir un but déterminé. Finalement, l’auteur doit être identifié avec une date de publication.
L’étude faite par l’Université de Californie à Los Angeles(UCLA) a démontré que 70% des internautes utilisent internet comme première source d’information. Il est aussi mentionné qu’ils accordent plus d’importance et de confiance à l’avis d’un inconnu en ligne que celui d’un pair.
Les réseaux sociaux sont devenus un espace de débat et d’opinion. On généralise les prises de paroles et les internautes recherchent l’information à travers celle-ci. La question de fiabilité de l’information devient donc cruciale.
Des étudiants de l’université de Carlos III de Madrid ont menés une étude sur l’influence des réseaux sociaux dans le domaine des communications. Pour ce faire, ils ont interrogés 400 journalistes. 67% d’entre eux considèrent que les réseaux sociaux sont une source moins fiable que les médias traditionnels, car ils n’offrent pas de profondeur et de crédibilité de contenu.
L’enquête menée par l’Institut français d’opinion publique(IFOP) démontre que les utilisateurs faisaient confiance à l’information divulguée par ces plateformes de réseau social. En un an, la notoriété de Facebook, par rapport à ces utilisateurs est passée de 68% à 97%. Twitter, lui, sa notoriété est passé de 4% à 63% pour la même période de temps.
La méfiance du contenu du web 2.0 ou, du moins, l’apprentissage des mesures de sécurité devraient être primordiaux pour les internautes.
De plus en plus, les jeunes sont sensibilisés dans les écoles avec l’apprentissage par le numérique. En 2009, 37% des jeunes utilisant les réseaux sociaux n’avaient jamais touché à leurs paramètres de confidentialité. On peut constater une hausse de la vigilance en 2011 avec seulement 8% qui ne touchaient pas à leurs paramètres, selon le Blogue du Modérateur.
Grâce à la sensibilisation dans les écoles et par les parents, les jeunes prennent conscience de l’ampleur d’internet et des réseaux sociaux. Ils sont plus susceptibles de caché leurs informations et de ne pas aborder des inconnus.
Le Safer Internet Day est une organisation dédiée à l’apprentissage d’internet pour les jeunes qui agit dans plus de 30 pays. Les résultats d’une étude, conjointe à l’organisme, sur la perception d’internet selon les enfants et les parents a révélé que 45% des enfants se sentent en sécurité sur internet grâce à la sensibilisation dans les écoles. Seulement 1% des individus questionnés acceptent toutes les demandes d’amitiés sur Facebook et 66% n’échangent qu’avec les gens qu’ils connaissent.
Responsabiliser l’usage d’internet permet d’empêcher toute utilisation non autorisée de l’ordinateur et réduirais les risques comme la désinformation, les arnaques, le vol d’identité, le recrutement et les propositions sexuelles auprès des jeunes. En avril 2009, des mesures ont été prises par 17 sites ont signés un accord pour mieux protéger la vie privée des jeunes en permettant aux utilisateurs de signaler un abus, les options de vie privée seront plus visibles et le profil des mineurs sera «privé» par défaut.